D’abord il y a le toucher, si doux que l’on redécouvre le simple fait de porter un vêtement. Une caresse pour la peau. Puis il y a ces coupes impeccables, qui tombent juste comme il faut, qui vous mettent en valeur sans en faire trop… l’incarnation parfaite de ce que l’on appelle le « basique ». La première impression était déjà très prometteuse au vu d’une séduisante collection de vêtements aperçue lors d’un shooting photo. Mais ça c’était avant de découvrir qu‘en plus d’être beaux et agréables à porter, les vêtements de l’Herbe Rouge sont issus d’une production responsable et écologique. C’était trop beau pour être vrai pour en rester là, il fallait en savoir plus. Rencontre, dans la très belle boutique -faisant aussi office de galerie d’art- avec Thibaud Decroo l’un des deux fondateurs* de la marque.

Pourrais-tu résumer par des mots clés le concept de l’Herbe Rouge ?
L’Herbe Rouge est centrée autour de la manière de vivre des gens et cherche à allier design et esthétique. Nos vêtements sont à la fois faciles à porter, élégants avec de belles finitions et des détails créatifs. Dans nos promesses il y a bien être, qualité, prix juste, innovation, savoir faire, matière et procédé écologiques.
Comment ce « procédé écologique » se traduit-il ?
Nous utilisons uniquement des matières ayant un faible impact sur l’environnement. Nous respectons un guide de bonnes pratiques incluant toutes les étapes du procédé de fabrication allant des fibres/fils à la confection puis distribution. Nous avons notamment recours à des fibres recyclées grâce à l’usage d’un défibreur dans le sud. Une fois les fibres récupérées, on redesign un vêtement. Ce procédé requiert d’utiliser de bons matériaux de base.
Est-ce cela qui explique le toucher si doux de vos vêtements ?
Tu évoques sans doute le coton Bio qui a des fibres assez longues et qui est donc naturellement plus doux. Le coton est une des cultures les plus polluantes dans le monde c’est pour cela que nous avons choisi de le traiter sans pesticide et sans traitement.

Proposer des vêtements respectueux de l’environnement et accessibles en termes de prix c’est donc votre pari ?
Exactement, notre devise est que tout le monde doit pouvoir accéder à une mode contemporaine de créateur de qualité, qui respecte la santé humaine et environnementale et améliore le bien être.
Nous récusons la course au toujours moins cher qui au final ne veut plus rien dire. Sans se définir totalement à l’opposé du « fast fashion » nous recherchons un équilibre en nous tournant vers ce que l’on pourrait appeler le « slow fashion ». Respecter l’environnement mais aussi l’individu dans sa nature profonde en s’adaptant à sa morphologie, ses caractéristiques (s’il a des allergies par exemple nous lui proposerons des matières spécifiques) est ce qui nous importe le plus. Proposer un prix juste va de soi, cela fait en effet partie de cet équilibre que nous recherchons.
Un beau pari mais qui semble presque trop beau pour être vrai ; comment faites vous pour offrir une telle qualité avec des prix accessibles ?
Nous limitons au maximum les coûts annexes (boutiques, loyers…), utilisons les mêmes matières et les mêmes patrons ce qui explique une certaine récurrence dans nos collections. Ce sont ainsi des pièces fortes, que l’on retrouve au fil du temps.
De tels engagements et procédés de fabrication j’imagine que cela pose quand même certaines limites côté création ?
Déjà il y a des matières qu’on n’utilisera pas car elles ne respectent pas notre guide des bonnes pratiques. Pas d’hypocrisie chez nous. On ne va pas travailler la fibre de bambou par exemple qui est une fausse fibre écologique car très impactante sur l’environnement. On ne travaille pas non plus les fibres issues du pétrole qui s’avèrent posséder des qualités inférieures aux autres fibres et qui donc ne nous conviennent pas d’un point de vue qualité.
Le fait de ne pas pouvoir utiliser certains matériaux rend le domaine de l’accessoire plus compliqué à aborder mais nous cherchons des solutions.
Quant à notre objectif de rester accessible niveau prix, c’est sûr qu’il nous limite dans le nombre de pièces proposées mais l’on préfère se concentrer sur la qualité.

C’est un véritable art de vivre en fait. Quel a été le point de départ de l’Herbe Rouge, y a-t-il eu un déclic, une prise de conscience à un moment donné ?
Avec Arielle*, nous avons assisté à une sorte d’épuisement, de dépassement de l’homme par la technologie. Comme nous avions une vision commune après environ vingt ans d’expérience dans le secteur chacun de notre côté, nous avons décidé d’allier nos compétences en créant l’Herbe Rouge. Notre envie première est de redonner du sens aux vêtements portés aussi bien en termes d’éthique que de bien être et de privilégier le local.
D’ailleurs votre production est-elle locale ? Made in France only ?
La question du made in France est pour moi une fausse question car elle ne prend souvent pas en considération toutes les étapes de fabrication : choix des matières premières, filature, teinture, confection… La plupart du temps, malgré la présence de cette étiquette sur certains vêtements, c’est parfois uniquement l’assemblage qui est « made in France », ça ne veut donc rien dire. C’est extrêmement rare que l’intégralité d’une pièce soit conçue dans notre pays à moins d’une demande particulière ou dans milieu du luxe -et encore. D’ailleurs si c’était le cas, les prix seraient totalement inaccessibles pour le consommateur. Donc pour répondre à ta question, je peux te dire que nous travaillons majoritairement en France mais pas que, on se tourne aussi vers l’Europe et l’Afrique mais pas du tout vers l’Asie en revanche.
Vos collections visent-elles une cible particulière ?
Nous n’avons pas de cible particulière si ce n’est que nous voulons habiller les gens de la vraie vie, nous sommes ancrés dans le quotidien. Nous sommes transgénérationnels et habillons les personnes de 20 à 70 ans. Après, nous avons remarqué que notre clientèle majeure a entre 30 et 45 ans avec et est majoritairement féminine.

Bientôt une ligne pour les enfants ?
Pas pour tout de suite mais nous avons quelques idées en tête…
Qu’est ce qui vous inspire ?
La nature bien entendu qui peut être une source d’inspiration directe pour des motifs, une aurore boréale par exemple a été à l’origine d’impressions maille pour la précédente collection. La ville nous inspire beaucoup aussi notamment à travers des détails graphiques. En fait nous aimons et cultivons les paradoxes entre nature et environnement urbain que l’on peut retrouver par exemple avec les murs végétaux en ville. En cela, Hundertwasser nous inspire énormément. Ce visionnaire s’était penché très tôt sur les murs végétalisés et aussi sur le côté réversible du vêtement, une caractéristique que nous exploitons sur certaines de nos pièces. La réversibilité est en effet en adéquation avec nos valeurs : on retrouve l’aspect innovant, pratique et écologique (posséder deux pulls en un).
Pourquoi ce nom « L’Herbe Rouge » ?
Par rapport au roman de Boris Vian tout d’abord, l’Herbe Rouge, une grande source d’inspiration. Et ensuite pour évoquer les notions de la vie, du vivant dans ce qu’il a d’essentiel : l’herbe est ce qu’il y a de plus simple au naturel, c’est comme respirer, c’est aussi la terre sans laquelle nous ne sommes rien et que nous devons absolument préserver. Quant au rouge, il est symbole de passion, de vie comme le sang qui coule dans les veines.
Vous accordez une place très importante au design dans votre façon d’aborder le vêtements jusqu‘à la scénographie de la boutique. Le design c’est important pour vous ?
Nous faisons du « vêtement libre ». Dans un processus collectif qui réunit designers, artisans, consommateurs, commerciaux, et fabricants nous cherchons à réconcilier le design (c’est-à-dire la recherche de la fonction, le travail sur la forme)avec l’esthétique (le bel objet joliment ornementé). Comme le designer, c’est l’individu qui nous intéresse avant tout. Sa morphologie, Ce qu’il fait, comment il vit, comment il bouge et comment nous pouvons au mieux répondre à ses attentes. Dès qu’un client entre dans la boutique, nous l’observons attentivement et discutons avec lui. Chaque personne est différente et mérite un accompagnement sur mesure. En fait je crois que nous aimons tout simplement les gens.

Des projets pour l’avenir ?
Nous aimerions être encore au plus près des attentes des gens, mieux s’adapter à leurs morphologies et leurs désirs pourquoi pas autour de la personnalisation de vêtements… Nous nous intéressons aussi aux textiles « santé » pour le côté innovation ou comment allier vêtement et bien être.
Notre première impression ne nous avait pas trompée. L’Herbe Rouge est une marque qui pousse vite, et d’une bien belle manière.
Et si l’Herbe Rouge était :
Une couleur : le rouge
Une odeur : l’herbe fraîchement coupée
Un goût : le cresson
Une matière première : l’eucalyptus
Une fleur : le coquelicot
Un vêtement : une combinaison
Une saison : l’été
Un métal : le cuivre
Un artiste : Hundertwasser
Un livre de chevet : L’Herbe Rouge de Boris Vian
Un pays : la France
*L’Herbe Rouge a été fondée en juin 2008 par Thibaud Decroo, expert de la gestion, de la création, de la distribution de produits mode et Arielle Levy, experte du développement et du management d’entreprise de mode.
Photos © JITMF