Rencontre avec Stéphanie Guglielmetti, sculptrice dans l’Espace-Temps

   L’une de mes passions est de rentrer dans un atelier d’artiste pour me retrouver au cœur de la création et, bien sûr, c’est encore mieux en présence du maître des lieux pour avoir une grille de lecture de son travail. Il n’est pas courant de pouvoir faire de telles rencontres -ces lieux n’étant la plupart du temps pas ouverts au public ou simplement pas référencés- c’est pourquoi j’ai pleinement profité des journées portes ouvertes des ateliers d’artistes situés aux Arches à Issy-les-Moulineaux l’automne dernier. J’en ai retenu de très jolies découvertes, parfois surprenantes, et des échanges passionnants entre gens passionnés.

Une rencontre en particulier m’a marqué, celle avec l’artiste Stéphanie Guglielmetti.  En effet, à peine entrée dans son atelier j’ai été de suite envoutée par ses créations singulières et poétiques (presque musicales) ne ressemblant à rien de ce que j’avais pu voir auparavant. L’œil perçoit d’abord des mobiles en suspension, bougeant au gré du vent, réfléchissant imprévisiblement des éclats de lumière, puis l’on s’approche et l’on découvre ce qui s’avère être de minuscules…. composants horlogers ! Partout : des aiguilles, des cadrans, des rouages, tiennent comme par magie sur des fils tendus. Ça tourne, ça brille, ça carillonne… Il s’en dégage un sentiment tantôt stimulant -le visuel du mobile se réinventant constamment- tantôt apaisant –l’oscillation des composants agissant dans un léger mouvement qui berce.

Devant autant d’informations sous-jacentes (le matériau détourné, le rapport au temps, les jeux d’ombres et de lumières, l’espace…), mille questions me viennent à l’esprit. C’est donc avec l’envie d’en savoir plus à propos de son univers, de l’analyser pour essayer d’en capter l’essence, que je propose à Stéphanie Guglielmetti de venir l’interviewer dans son atelier. Rencontre donc, avec une sculptrice dans l’Espace-Temps.

1) Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

Je m’appelle Stéphanie Guglielmetti, j’ai 47 ans. Après des études de design et de graphisme j’ai travaillé dans le milieu horloger en tant que designer. C’est à ce moment là que je suis tombée amoureuse de tous ces petits composants et de la symbolique qu’ils représentent. Assez rapidement j’ai eu le besoin de démarrer une « écriture » autour de ces composants horlogers en réponse à la rigueur de ce milieu et de celle du temps universel. Petit à petit, cette activité en marge a pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir centrale. 

Je continue toutefois d’exercer dans le graphisme que je considère proche de la sculpture de par la notion d’espace, de la page et des blancs. En réalité mes écritures horlogères et mon activité de graphiste se font écho ; la seule différence est que les premières correspondent à un message personnel tandis que la seconde répond à un cahier des charges bien précis venant de l’extérieur.

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2) Depuis quand réalises-tu des mobiles constitués de composants horlogers ? D’où t’es venu cet intérêt pour collectionner ces pièces détachées jusqu’à en faire des oeuvres d’art ?

Je réalise des mobiles depuis environ quinze ans.
Au début, je photographiais les composants et je les retouchais pour leur donner une dimension abstraite puis j’ai laissé tomber l’écran photographique pour aller directement à la matière. Les mobiles éphémères que je composais le temps d’une photo avant de les détruire ont pris le dessus et sont devenus des œuvres amenées à perdurer et à vivre dans l’espace.

Je suis fascinée et à la fois terrifiée par ces petits mécanismes, par la minutie et la perfection qu’ils impliquent. En effet, dans le système de l’horlogerie, un composant doit être parfait sans quoi rien ne fonctionne. Il y a quelque chose de terrifiant là dedans : soit on est parfait, soit on n’existe pas. Il n’y a pas de droit à la différence. C’est en réponse à ce système contraint, binaire, fermé que j’ai décidé de me réapproprier ces pièces. J’ai donc commencé à récupérer des composants dits « imparfaits » (en allant loin on pourrait y voir les rebuts de la société) afin de leur donner une deuxième vie, de leur redonner leurs lettres de noblesse et au final de les mettre à la même échelle que les autres composants « parfaits ».

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Atelier © Stéphanie Guglielmetti


3. Toutes tes œuvres se regroupent sous le terme : d’ « Extractions » qui apparaît comme le fil directeur de ton œuvre. Quelle(s) symbolique(s) accordes-tu à ces « Extractions » ?

Par « Extraction », j’entends le fait de sortir quelque chose d’un système contraint pour lui donner une nouvelle liberté dépendant d’autres facteurs aléatoires, imprévisibles. Ainsi, les mobiles bougent de manière subtiles au gré du vent, de l’air, d’interactions humaines ce qui s’oppose au rythme saccadé, contrôlé, prévisible du système horloger.
Il y aussi l’idée de passer de la 2D (photographie) à la 3D (sculpture). Pour moi, l’extraction est le point commun entre mes travaux en sculpture et en photographie notamment avec mon dernier projet. J’essaie de revisiter le médium photographique et de le croiser avec la sculpture.

4) Se référer au temps, c’est forcément mettre sur la table une dimension très symbolique pleine de messages sous-jacents.
Je lis dans certains commentaires à propos de ton travail que « tu suspendrais le temps », mais à voir tes mobiles en mouvement, fragiles, presque vivants,  je me demande s’il ne s’agirait pas plutôt de le « libérer » ?
Ton travail serait-il une invitation à adopter un autre rapport au temps, à s’en détacher ?

Oui d’ailleurs l’idée de libérer le temps est à l’origine du terme « Extractions » regroupant toutes mes œuvres. Il s’agit avant tout de se pencher sur la singularité de chaque instant.
Je cherche à donner aux composants un espace de liberté propre et complètement imprévisible. C’est précisément pour cela que je travaille sur des mobiles ouverts. Je n’extraie pas des composants d’un système fermé pour les remettre dans un autre système de contraintes, cela n’aurait pas de sens par rapport à ma démarche.

Après, le temps, quoiqu’il arrive reste le temps et pas plus qu’une autre personne je n’ai de maîtrise sur lui. La question que je pose est plutôt : comment est-ce que chacun investit ce cycle et jusqu’où peut on aller dans l’appropriation de l’espace temps ?

5) Lorsque je regarde tes mobiles je vois plein de petits mécanismes tournoyant de manière aléatoire chacun à leur rythme selon les vibrations de l’air, créant des jeux d’ombres et de lumières qui se renouvellent sans cesse. Est-ce pour cela que l’une de tes œuvre se prénomme « Le chaos dans la rigueur » ?
Par leur côté changeant tes créations semblent difficilement saisissables. Est-ce une manière poétique de faire un pied de nez aux étiquettes, aux cadres pré-définis imposés par la société pour prôner la liberté individuelle
?

Toutes les compositions de mes sculptures sont montées sur une trame tout à fait rigoureuse comprenant 7, 9, 12 ou 24 fils. Cette trame illustre une contrainte universelle sur laquelle nous n’avons pas la main mise et que nous subissons : un jour c’est 24h, pas plus pas moins. Je marque ici les limites de nos libertés.
Par contre, à l’intérieur de cette trame chacun s’approprie et vit ce laps de temps à sa façon, librement, d’où le titre,  « Le chaos dans la rigueur ».

Il y a donc une trame de fond mais les mobiles restent ouverts et perméables à ce qui les entoure. Ainsi, ils sont en renouvellement permanent  visuellement. Ils ne sont pas figés et laissent place à l’imaginaire ; chacun peut y voir quelque chose de différent.

6) Je remarque que la forme circulaire est récurrente dans ton travail. Tes suspensions prennent ainsi la forme d’une sphère lumineuse et scintillante jour comme nuit à l’image du soleil ou de la lune. Au delà de l’évocation de la forme de l’horloge, est-ce aussi un clin d’œil au temps à travers les cycles de la vie et au renouvellement ?

Tout à fait, c’est une référence au cycle du temps mais je n’ai pas toujours fais des mobiles circulaires. Au début je faisais majoritairement des « écritures » faites de composants horlogers puis le cercle s’est imposé comme une évidence par la symbolique de l’universel du renouvellement, de l’infini… Il m’arrive encore aujourd’hui de revenir à des « écritures » notamment dans le cadre de commandes qui me sont faites par des particuliers. Dans ce cas précis, la plupart du temps je m’adapte à la personne, je lui pose certaines questions afin de lui créer une œuvre personnalisée.

7) Comment et se déroule ton processus créatif ? Combien de temps te prend l’élaboration de tes créations ?

Concernant la confection de mobiles, la 1ère étape est de fouiner, troquer, échanger les pièces grâce à tout un réseau que j’ai tissé. C’est une étape très sympathique durant laquelle j’échange avec des personnes avec qui j’ai un lien particulier. Il y a ensuite un gros travail de tri derrière à la réception de ces pièces.

La 2ème étape est la création des palettes : je remplis chaque bocal d’un type de composant trié selon sa forme, son métal etc. Ce qui me donne une collection de bocaux dans mon atelier à la manière d’un cabinet de curiosités. 

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Détail de l’atelier © Stéphanie Guglielmetti


Puis vient la composition : je crée des petits tas de composants et je vois la manière dont ils s’imbriquent, leur harmonie, ce qu’il s’en dégage. De là, démarre la construction du mobile qui peut être plus ou moins grand selon ce que j’ai envie de raconter.
Je n’ai pas d’idée de mobile en tête à l’origine, je construis au fur et à mesure selon ce qui se trouve entre mes mains. Pour autant c’est un travail très rigoureux puisque les mobiles sont construits selon des gabarits que j’ai préalablement dessinés, sans quoi ils ne tiendraient pas physiquement. Je travaille à plat et l’œuvre prend sa forme finale une fois montée à la verticale, lorsqu’elle se déploie dans l’espace.

Au niveau de la durée d’élaboration, c’est extrêmement variable. Cela dépend du projet et de l’œuvre en question. Cela peut aller d’une journée -lorsque je sais déjà ce que je vais faire et que je dispose de tout le matériel nécessaire pour le faire- à un an pour de plus gros projets qui se construisent au fur et à mesure et avancent au gré de rencontres.

Portrait Cité du Temps © Stéphanie Guglielmetti

8) Quelle est la phase de ton travail que tu aimes le plus ?

J’aime toutes les phases de mon travail mais s’il fallait n’en retenir qu’une alors je dirai celle de la transmission d’un mobile. J’aime bien imaginer comment mon œuvre va vivre chez la personne, comment le mobile va prendre le rythme de l’environnement dans lequel il est placé. La même œuvre confiée à tel ou tel individu aura une « vie » différente.

Pour moi, il y a aussi quelque chose de magique dans le fait de transmettre mes mobiles : c’est comme si je transmettais l’acte de créer lui-même puisqu’il y a une réelle interaction entre les mobiles et les personnes. L’idée de faire de l’autre un artiste à travers ma création, de le rendre acteur dans le processus, me plaît beaucoup.

9) Quelles sont les inspirations qui te nourrissent ? As-tu des artistes de référence ?

Dans mes inspirations majeures figurent le spatialisme avec Lucio Fontana pour la façon de travailler l’espace et le fait que l’œuvre ne soit pas seulement déterminée par la matière mais aussi par son environnement.

Je suis également très influencée par le concept du Ma japonais. Pour les japonais, l’espace est un composant à part entière, il est même nécessaire pour faire exister les choses. L’intervalle entre deux objets est nécessaire afin que chacun des deux objets existent l’un par l’autre. L’espace est un élément à part entière de chaque objet.

10) Comment définirais-tu ton œuvre en un mot ? Dans quel courant artistique la situerais-tu ?

Pour définir mon œuvre en un mot je dirai « ouverte ». Ouverte physiquement (au regard, à la lumière etc) mais aussi ouverte car possédant plusieurs niveaux de lecture.
On a déjà situé mon œuvre dans l’art cinétique mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela car je ne suis pas dans la régularité de la forme. Je me verrai bien dans le spatialisme, un mouvement qui m’inspire énormément.

 11) Parmi tes oeuvres, laquelle préfères-tu et pourquoi ?

Je dirais le mobile n°4 de la série universelle qui s’éclaire de nuit. Les aiguilles qui le composent sont luminescentes : elles emmagasinent la lumière dans la journée et la reflètent une fois la nuit tombée. L’œuvre prend alors un autre aspect et donne à voir une tout autre sphère.

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N°4 Série universelle © Stéphanie Guglielmetti

12) Tes installations dialoguent avec l’espace et la lumière par des jeux d’ombres projetées. Y a t’il des espaces plus ou moins propices pour exposer et « faire vivre » tes œuvres ?

Les espaces propices selon moi sont les espaces où il y a du passage, du mouvement, des échanges afin de faire « vivre » les mobiles. Un fond blanc permet de bien faire ressortir les composants et leurs ombres, j’ai déjà également exposé sur des murs de pierre et le rendu était très intéressant.
En fait, n’importe quel espace peut convenir du moment qu’il y ait de la vie !

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© Stéphanie Guglielmetti
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Orange © Stéphanie Guglielmetti

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Installation privée © Stéphanie Guglielmetti
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Vinci © Stéphanie Guglielmetti
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Vinci 2016 © Stéphanie Guglielmetti

13) Ton dernier projet, «Les affranchis» qui utilise le médium photographique évoque lui aussi le rapport au temps. Peux-tu nous en dire plus à propos de ce projet ? En quoi est-il lui aussi une extraction ? S’articule t’il comme la suite des tes mobiles ?

Il ne s’agit pas de la suite de mes mobiles mais plutôt d’un projet en parallèle.
La photographie est un médium qui me passionne depuis toujours mais je me sens vite frustrée car l’on reste dans la 2D, dans le figé. La photographie impose un visuel, point barre. Mon idée est de réaliser des portraits par le biais de la photographie mais en leur donnant un espace de respiration. Des portraits qui se détachent, qui s’extraient de leur support en quelque sorte. J’ai choisi des sujets plus expressifs que pour mes mobiles car je traite ici un vrai sujet de société.

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« Les affranchis » © Stéphanie Guglielmetti

 14) As-tu des des projets à venir et des ambitions particulières ?

J’ai plusieurs projets en cours pour diverses sociétés mais je ne peux pas en parler. En tout cas cela est très stimulant car il faut s’imprégner de l’ADN de la société, de ses valeurs  pour essayer de retranscrire une proposition qui lui corresponde et qui me corresponde. 

Sinon je n’ai pas d’ambitions particulières. Pour moi toute rencontre est belle, fait grandir et avancer. Je prends les choses comme elles viennent.  Cela va d’ailleurs de pair avec le côté aléatoire et imprévisible de mon travail.

15) Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

De continuer à créer ; que cela continue à plaire aux autres et d’aboutir ce nouveau beau projet photo dans lequel je me suis lancée.


Portrait chinois de Stéphanie

Et si tu étais un(e)…


Couleur : 
bleus
Matière : 
L’air
Métal : la ferraille

Pierre : un petit caillou
Odeur : l’herbe fraîchement coupée

Bruit : un éclat de rire

Plat : la spécialité du chef
Goût : un petit goût de reviens-y
Fruit : les agrumes
Saison : celle en cours

Fleur : l’immortelle
Animal : une loutre de mer
Paysage : la ligne d’horizon
Pays : la Terre
Ville : Paris
Sport : collectif

Livre : un polar
Poème : une liste à la Prévert
Tableau : une œuvre trouée de la série Concetto Spaziale de Fontana
Style de Musique : le Jazz manouche

Film : la grande évasion
Personnage : mon père

Photographie : 
un contre-jour d’Atget
Courant artistique : 
Les Nouveaux Réalistes
Révolution (culturelle/sociale/historique) : Une révolution artistique, quelle qu’elle soit

Époque : L’instant
Vêtement : un foulard
Allure : celle de Niki de Saint Phalle

Pouvoir : 
M’envoler
Qualité : épicurienne

Défaut : Perfectionniste

Expression : 
 »Ecoute voir ! »
Mot : 

Ouvert

Citation : Laissez tomber les heures, les secondes et les minutes – Soyez dans le Temps – SOYEZ STATIQUE, SOYEZ STATIQUES – AVEC LE MOUVEMENT. Dans le statisme, au présent se déroulant MAINTENANT. Soyez libres, vivez ! 
Jean Tinguely, Für Statik, 1959, extrait.


   
    Mes échanges avec Stéphanie Guglielmetti m’ont offert une nouvelle vision de ses mobiles et une certitude : il est impossible d’en capter l’essence. Précisément car elle ne se laisse pas définir mais elle s’expérimente à travers une expérience personnelle –propre à chacun- de l’oeuvre. Une oeuvre qui, comme l’explique joliment notre sculptrice, prend le rythme de celui qui la regarde et continue de se créer selon les éléments qui l’entourent.
L’acquéreur d’un mobile deviendrait lui-même artiste à travers ce dialogue de création incessant.  Un art “vivant” qui vient souligner nos limites en même temps qu’il nous donne la parole. “Le chaos dans la rigueur”.

Tout cela a d’abord intrigué mon esprit quelque peu cartésien pour finalement laisser place à une grande bouffée d’air frais, un espace libre (et libérateur), une parenthèse presque magique où des mobiles se réinventent la nuit en sphères lumineuses tel des astres. J’ai particulièrement aimé la notion d’”Extractions”, où des pièces à priori imparfaites car différentes (re)trouvent une place à part entière dans un nouveau système qui ne les contraint pas pour autant. Sortir du cadre, proposer autre chose, se remettre en question sans cesse et se réinventer… n’est ce pas là le propre de tout artiste ?

J’admire le travail de Stéphanie Guglielmetti dans sa capacité à aller jusqu’au bout d’un processus de création mais aussi de réflexion dans une société où les artistes -bien qu’admirés- sont souvent pointés du doigt comme des individus “perchés”, marginaux” ou encore “hors norme”. Des expressions que je trouve, personnellement, assez inconsistantes. En effet, que signifie être dans la norme ? Qui définit la norme ? Est-ce seulement raisonnable d’être dans une norme ? Sur un ton plus léger, je pense à cette phrase relevée par le documentariste Loic Prigent retranscrite dans son livre J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste :  “Tu crois que je suis à côté de la plaque, mais ce n’est pas toi qui définis où est la plaque.”

Singularité, Liberté, Imprévisibilité. Voilà, en conclusion, ce que m’inspire les oeuvres de Stéphanie Guglielmetti. Des créations ne s’écrivant jamais de manière fixe ou définitive, ne fermant la porte à aucune possibilité mais s’ouvrant, à tout moment, au monde entier.
“Ouvrir le champ des possibles” pourrait être le mot de la fin ; c’est ce que je vous souhaite pour cette nouvelle année mais aussi pour les suivantes !

Rencontre avec Nina Deswarte, architecte de la couleur

  J’ai connu Nina sur les bancs de l’école des arts appliqués, à l’ENSAAMA Olivier de Serres à Paris lorsqu’elle était en section design d’espace. Ce n’est pourtant que des années plus tard, grâce aux réseaux sociaux (merci Instagram), que j’ai découvert son talent d’illustratrice.

De ses dessins jaillit la couleur dans un style qui n’est pas sans nous rappeler le fauvisme. Les traits sont rapides mais toujours justes, la technique faussement simple –allez donc essayer de dessiner en perspective en si peu de temps. Mais c’est définitivement la couleur qui donne toutes dimensions à ses dessins, qui les structure et leur «donne vie».
Rencontre avec une architecte de la couleur.

1) Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours de ces dernières années ?

Je suis Nina, j’ai 29 ans et j’ai toujours aimé dessiner.
Mon amour pour l’art, à la fois l’histoire de l’art et le dessin, m’a mené à l’École des Beaux Arts d’Avignon en Restauration d’oeuvre d’Art avant de poursuivre dans le Design (ENSAAMA Olivier de Serres), et plus spécifiquement en Architecture d’intérieur.

PortraitAprès Paris, je me suis installée à Bordeaux où j’ai dirigé mon agence d’architecture d’intérieur et de design pendant deux ans. J’ai mené à bien une dizaine de projets entre Lille, Paris et Bordeaux incluant la rénovation intégrale d’une ancienne imprimerie en loft à Montreuil, la remise à neuf d’une ancienne brasserie dans le Nord ainsi que le réaménagement d’un restaurant et la réhabilitation de maisons girondines.

Fin 2016, j’ai décidé de changer de cap en me dirigeant vers le graphisme, l’illustration et la communication de manière plus globale au coeur d’un projet innovant et disruptif qui me comble aujourd’hui.

2) Depuis quand dessines-tu et qu’est ce qui t’a mené à une production de dessin quotidienne si prolifique ?

Je dessine et je peins depuis que je suis petite. À l’école primaire, j’adorais illustrer mes cahiers de poésie, j’y mettais déjà beaucoup de couleurs. J’ai été extrêmement créative entre sept et dix ans, je dessinais instinctivement et je faisais beaucoup de peinture. C’est pendant cette période que j’ai appris l’essentiel : le lâcher prise et la confiance en soi.
Le théâtre m’a permis de confirmer ces traits de personnalité, par l’improvisation et l’écoute (de soi et des autres).

Parmi les milliers d’images qui nous traversent l’esprit tous les jours, j’essaie d’en sélectionner une par jour -la plus captivante- et de retransmettre l’émotion par le dessin rapide et spontané pour ne pas en perdre l’essence. Je capture les meilleures sensations d’une journée à la manière d’un journal de pures inspirations visuelles.


3) Combien de temps te prends l’élaboration de tes croquis ?
Où et comment dessines-tu ?

Mes croquis sont rapides, je m’oblige à réduire le temps de création pour garder l’image intacte et vivante dans mon esprit. Cinq à dix minutes suffisent pour mettre l’émotion sur papier.
 L’enjeu est de savoir quand s’arrêter, c’est un équilibre à trouver.

Si je ne produis pas chez moi, je dessine beaucoup sur mes lieux de voyages. J’aime prendre de la place pour être libre de mes gestes et je choisis généralement une grande table sur laquelle je peux étaler toutes mes couleurs.

Atelier
Atelier © Nina Deswarte


4) Pourquoi privilégies-tu les pastels gras ? Quelles autres techniques apprécies-tu ?

Les qualités majeures qui me plaisent dans cet outil sont les infinis mélanges de couleurs, l’épaisseur des contours, la quantité des nuances, la possibilité de gratter la matière, l’instantanéité (du fait de l’absence de séchage) et la puissance du trait.

J’ai longtemps adoré la peinture à l’huile sur toile, l’aquarelle, l’encre de Chine, les pastels secs et le fusain. Le collage est aussi une pratique que j’aime énormément.

5) Lorsque tu dessines, as-tu des idées précises en tête ou laisses-tu place à l’improvisation ? Quels sont tes sujets de prédilection ?

L’improvisation est la part la plus importante de mon processus créatif. Cependant, j’aime aussi revisiter des intérieurs bien décorés, des moments partagés avec des personnes de mon entourage ou mes animaux. Quand je dessine « à l’instinct », la première couleur guide la première forme et cela s’enchaîne assez naturellement, sans que je me pose trop de questions.

Les sujets de mes dessins changent constamment, sans que je le décide vraiment, et varient du figuratif à l’abstrait.

 

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6) Quelles sont tes sources d’inspiration ? Des artistes de référence ?

Récemment, le Portugal et l’Afrique du Sud sont deux pays qui m’ont vivement inspirés tant dans les motifs, les couleurs, les sujets, que dans le monde animal, la nature et l’architecture.

En parallèle des souvenirs de voyages, je suis influencée par de nombreux courants artistiques du début du XXème siècle, notamment le mouvement Post-Impressionisme -Paul Gauguin (a), Paul Cézanne (b), Vincent Van Gogh (c)- l’Expressionisme -Pablo Picasso (d) et Paul Klee (e)-, le Fauvisme -Henri Matisse (f)- et l’Art naïf -Le Douanier Rousseau (g).

Art Post-Impressionnisme
Art Post-Impressionnisme, moodboard © Nina Deswarte

Sur la scène contemporaine, je citerai le travail époustouflant de l’artiste africain Gareth Nyandoro (h). J’ai découvert des artistes du monde entier sur Instagram et je suis ainsi devenue une grande admiratrice des sculptures de Peter Lubach (i), des paysages colorés de Laurent Corvaisier (j), de la force des œuvres de Vittorino Curci (k), des installations fleuries d’Ann Wood (l), des croquis aux crayons de couleurs de Joey Yu (m) ou encore des céramiques de Claire Jonhson (n).

Art contemporain
Art contemporain, moodboard © Nina Deswarte

7) Comment définirais-tu ton style ?

Entre une forme d’Expressionnisme et d’Art Naïf.

8) Parmi tous tes dessins, lequel préfères-tu et pourquoi ?

Je dirais que mon dessin préféré est « Happy Figure » qui est à la fois doux et puissant. J’ai le souvenir d’avoir été surprise et touchée lorsque le dessin était achevé.

Happy Figure, 21x29,7cm, 2018
Happy Figure, 21×29,7cm, 2018, © Nina Deswarte


9) Vers quelle direction artistique aimerais-tu te diriger avec le dessin (envies, collaborations, sur mesure) ? Des projets à venir ?

Je pense que la prochaine étape sera d’exposer mes dessins et de faire découvrir mon travail aux adeptes des galeries d’art.
L’avantage de passer du digital au réel sera la lecture des textures, des reliefs, des polychromies. Seul un dessin vivant peut transmettre toute son émotion.


10) Y a t’il un message que tu aimerais faire passer à travers tes créations ?

Je ne ressens pas le besoin de communiquer un message en particulier dans mes œuvres, je tiens à ce que chacun éprouve mes créations de façon libre. Je tente de retranscrire tous les jours les images les plus positives et marquantes qui viennent à moi, en espérant intriguer et retranscrire cette énergie.


Portrait chinois de Nina

Et si tu étais un(e)…
Couleur : Jaune
Matière : Terre
Métal : Inoxydable
Pierre : Roches de Roussillon
Odeur : Une forêt de Pins
Bruit : Une chouette la nuit
Plat : Les plats de mon amoureux
Goût : Salé
Fruit : La Pêche
Saison : Été
Fleur : La Rose
Animal : Lion
Paysage : Le Fynbos au Cap
Pays : Un faible pour l’Italie
Ville : Bordeaux
Sport : Marathon
Livre : Les Livres d’Art
Poème : Alcool – Apollinaire
Tableau : Intérieur au rideau égyptien de Matisse
Style de Musique : Pop Rock Funk
Film : On Connaît La Chanson de Alain Resnais
Personnage : Peau d’Âne
Photographie : Berenice Abott
Courant artistique : Post-Impressionnisme
Révolution (culturelle/sociale/historique) : Droit de vote des femmes
Époque : le Présent
Vêtement : un beau manteau
Allure : Élégance
Pouvoir : la téléportation
Qualité : La Persévérance
Défaut : Susceptibilité
Expression : Pas folle, la guêpe !
Mot : Exploration

Citation : « On s’assied plus confortablement sur une couleur que l’on aime. »
Verner Panton


   S’ils ne sont pas chargés de messages, pour ne pas influencer le spectateur, il ne fait aucun doute que les dessins de Nina sont chargés d’émotions.
Ce qu’ils m’inspirent ? Une joie débordante, une énergie solaire, une poésie du quotidien. Une vision à l’image de leur créatrice, un brin hyper active, toujours souriante, la voie dynamique et pleine d’entrain laissant percevoir un esprit créatif foisonnant.

Plonger dans l’univers de Nina, c’est un peu regarder les choses à travers un filtre gai et optimiste où personnages, animaux, plantes ou objets dansent au rythme des couleurs et des motifs dans une harmonie qui leur est propre. Un filtre qu’on adopterait volontiers par ce mois de septembre synonyme de rentrée.