Rencontre avec Nora Houguenade, Chorégraphe de l’instant

   C’est sans doute ma passion pour la danse -commencée comme Nora Houguenade à l’âge de quatre ans- qui m’a attiré vers son univers photographique. Chacun des clichés pris par cette jeune photographe est une histoire à lui seul, une composition où le sujet autant que l’environnement raconte quelque chose. Ainsi, dans la série «Danse Urbaine» des danseurs semblent dialoguer avec l’architecture, la lumière ou l’espace qui les entoure pour donner lieu à de superbes images chorégraphiées.
De ses photographies émane le souci du détail, un certain rapport au temps, de la musicalité, des émotions aussi et surtout, à travers la capture de moments de grâce. Autant d’aspects qui m’ont donné envie de la rencontrer. Retour sur notre échange au Rendez-vous au cœur du 15e arr le treize avril dernier.

1. Peux-tu te présenter ? 

Je m’appelle Nora Houguenade, j’ai trente ans. Je suis née à Paris d’un père français et d’une mère hispano-marocaine tous deux architectes et musiciens. J’ai toujours baigné dans l’art et la musique et été entourée de personnes très ouvertes d’esprit et polyvalentes. J’ai moi-même fait quatorze ans de danse et de piano.

Mon parcours a commencé de manière classique. Je suivais une filière scientifique avec l’idée de devenir pédiatre mais une première année de médecine plutôt chaotique a remit les choses en question. Le rythme imposé m’empêchait de me consacrer à la danse et le piano, or je me suis rendue compte que je ne pouvais pas me passer de ces passions. De nature timide, c’est en effet à travers ces arts que je m’exprime et le fait de m’en couper a été très difficile.

Au moment de me réorienter j’hésitais entre faire une école de danse et une école de photographie et au final, sous les encouragements de mes proches, j’ai choisi la seconde option. Je me suis aussi dit qu’en choisissant cette voie je pourrai continuer d’approcher le milieu de la danse, ce que je fais précisément aujourd’hui. J’ai donc intégré l’école EFET dans le 12e arr et me suis formée pendant trois ans. Cela a été une véritable renaissance. Depuis, je suis photographe à mon compte entre Paris et Tanger.

portrait
© Nora Houguenade

2. Quand et pourquoi as-tu commencé la photographie ?

J’ai commencé la photographie à l’âge de treize ans lorsque je me suis offert mon premier appareil numérique compact acheté avec l’héritage de ma grand-mère. À l’époque, je photographiais pour le souvenir, il n’y avait pas encore de recherches de compositions. Je voulais immortaliser certains moments passés avec mes proches et j’avais cet appareil pratiquement tout le temps avec moi.

Le réel déclic a eu lieu un peu plus tard dans la salle d’attente d’un dentiste lorsque j’ai vu pour la première fois « Le Baiser » de Robert Doisneau. À ce moment là, j’ai su que je voulais faire de la photographie le centre de ma vie.

le baiser
© Robert Doisneau

Mes débuts en tant que photographe se sont déroulés au Maroc lorsque ma maman est retournée vivre à Tanger en 2006. J’avais alors dix-sept ans et me baladais appareil à la main. Je ne cessais de prendre des photos, j’étais comme en transe, éblouie par la lumière qui y régnait.

 

3. Qu’est-ce que tu aimes (et qu’est-ce que tu aimes moins) dans le métier de photographe ?

Pour moi il y a deux parties dans le métier de photographe : les projets artistiques réalisés de manière personnelle et les commandes professionnelles où l’on est plus technicien de l’image. Ce sont deux choses très différentes mais toutes deux indispensables car la première nourrit la créativité et permet d’avancer tandis que la seconde permet de vivre de ce métier. Toute la difficulté est d’arriver à combiner les deux.

Ce que j’aime le plus dans ce métier est d’immortaliser l’instant à travers de beaux visuels qui vont permettre aux gens de se souvenir d’une part, et de capter des émotions d’autre part. La photographie que j’aime et que je pratique transmet «l’instant de vie». J’observe avant tout, j’aime me fondre dans la masse, devenir invisible aux yeux des autres, c’est par ce biais que l’on décroche les meilleurs clichés. J’aime aussi le fait de ne jamais faire la même chose.

Ce que j’aime moins est lorsque les commandes professionnelles deviennent répétitives ou lorsqu’elles m’éloignent trop de ce que j’aurais envie de développer. Un cahier des charges trop lourd peut freiner ma créativité. J’ai besoin sans cesse de nouveautés et aussi de faire des projets qui ont du sens pour moi. Sinon, je dirais qu’un aspect difficile de ce métier est qu’il soit très physique : je porte constamment beaucoup de matériel et mon dos le ressent.

4.Quel(s) appareil(s) utilises-tu ? Quelle technique affectionnes-tu ?

J’utilise deux appareils numériques : le Nikon D750 et le D3S que je prends toujours avec moi au cas où l’un des deux me lâcherait sur un shooting. J’utilise également quatre objectifs que j’interchange selon le sujet. Je fais principalement de la photographie de reportage en extérieur car je ne suis pas très à l’aise avec le studio. En effet je trouve cela trop cloisonné et la lumière n’y est pas la même.

5. La danse tient une place centrale dans ton art illustrant de nombreux albums sur ton site. Penses-tu que sans ce long parcours personnel dans la danse ton œil aurait perçu les choses différemment ? Le fait d’être toi-même danseuse t’as t’il aidé à capturer ces moments de grâce et, si oui comment ?

Oui totalement. Déjà je pense qu’on photographie mieux ce que l’on connaît.
À propos de la danse, j’ai une sensibilité et une visualisation précise de cet art pour l’avoir longuement pratiqué, tout comme le piano. Ma connaissance du geste et mon oreille musicale me permettent d’anticiper les choses. Par exemple si je dois photographier un danseur en mouvement je vais pressentir le moment le plus opportun pour déclencher l’objectif.

Je vais traquer le moment qui fera ressurgir le plus d’émotions tel que je le ressens. « Quel mouvement retenir ? Qu’est ce qui va me toucher le plus en tant que spectatrice dans ce que le danseur va communiquer ? » sont les questions que je me pose à ce moment là.
J’anticipe l’intuition du danseur en quelque sorte mais je ne contrôle rien pour autant. C’est une vraie rencontre entre lui qui, exprime quelque chose avec son corps, et moi, qui vais ressentir et capter autre chose à travers mon appareil.

 

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6. Ton dernier album «Danse urbaine» est très fort visuellement. Les danseurs réalisent des figures et semblent pour la plupart en lévitation, ce qui donne un rendu presque surréaliste aux images. Prendre en photo de telles prouesses n’était-ce pas trop difficile ? J’imagine que vous avez du faire plusieurs prises et pourtant tout à l’air si spontané…

On était en effet beaucoup dans les sauts mais cela ne m’a pas posé problème techniquement parlant dans le sens où j’arrive à anticiper certains gestes notamment lorsqu’ils mes sont familiers comme c’est le cas avec la danse.

Pour cette série, je ne décidais de rien au préalable, ni des lieux ni des mouvements. Etant donné que je ne connaissais pas les danseurs je commençais par marcher avec eux dans Paris pour nous permettre de faire connaissance et instaurer un climat de confiance mutuelle. Puis, lorsque je repérais un endroit qui m’inspirais je m’arrêtais et leur demandais de danser librement, d’improviser.

Je marchais vraiment à l’instinct car la lumière change constamment à Paris or une ombre/un rayon de soleil sur le moment était susceptible de m’inspirer. Je n’avais pas envie de prévoir, je me laissais porter par ce qui m’entoure et par ce que je ressentais sur le moment. Je leur donnais juste quelques directions d’intentions, par exemple si l’on se trouvait face à un mur avec des lignes verticales je suggérais d’être dans la longueur pour faire écho à l’architecture etc.

 

7. La danse semble réunir tout ce que tu recherches (le mouvement, la musique, l’émotion, l’espace). Souhaites-tu que cela reste ton fil directeur, tel une marque de fabrique ?

Oui c’est vrai et la danse reste quelque chose qui me tient réellement à cœur. Je pense continuer à photographier cet art mais sous un angle différent où je m’attarderai plus sur la personne que sur le danseur. J’ai envie d’aller chercher l’humain derrière la danse en m’attardant sur un regard, une posture, un détail… Pourquoi pas aussi me pencher sur l’impact de la danse dans la vie des gens ? En fin de compte être plus dans le reportage et moins dans l’esthétisme. Aller au delà d’un type de photos très chiadées, très belles, mais qui ne vont pas vraiment en profondeur.

8. Hormis la danse quels sont tes sujets photos de prédilection pour le moment ? Et quels sont ceux que tu aimerais aborder dans le futur ?

Actuellement mes sujets de prédilection hormis la danse sont le reportage social, les portraits et les mariages. Ces derniers sont des témoignages d’émotions très riches. En effet, des préparatifs jusqu’à la cérémonie de mariage ce sont des moments forts où je capte beaucoup de choses aussi bien chez les mariés que parmi les invités, la famille, les amis… J’aime beaucoup l’envers du décor lors des préparatifs car à ce moment là on crée un vrai lien avec les personnes. Pour le coup, le domaine du mariage associe plutôt bien le côté artistique qui me plaît et le côté professionnel qui permet d’en vivre car cela fonctionne très bien : j’ai environ une dizaine de mariages par an.

 

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Concernant le portrait, j’ai envie d’utiliser la photo pour redonner confiance aux gens. J’ai d’ailleurs déjà commencé à le faire au sein du collectif Self Collective qui prône la confiance en soi des femmes à travers des stages. J’ai ainsi lancé avec ce collectif le projet Photoboost il y a six mois qui permet à certaines femmes de se reconnecter à leur image. Le but est de faire en sorte qu’elles se trouvent belles et qu’elles (re)prennent confiance en elles.

Comme pour ma série «Danse urbaine», cela commence par une balade dans Paris ou autour d’un café pour échanger avec la femme que j’ai en face de moi et instaurer un climat de confiance qui va être essentiel pour le shooting afin qu’elle se sente à l’aise. Ce sont des sessions assez intenses ou j’ai vu certaines femmes émue aux larmes au moment de se (re)découvrir en photo. Le projet n’est pas encore bien défini mais il prendra sans doute la forme de séance individuelles de particuliers soit dans le cadre de ce collectif soit en dehors avec moi.

 

Un autre domaine que j’aimerais développer dans le futur est la photographie sociale à travers le reportage. Je l’ai déjà abordé en 2016 à Tanger à l’occasion d’un projet photo pour le centenaire du lycée Regnault. J’avais carte blanche pendant une semaine dans ce collège/lycée qui -pour l’anecdote- fut le lieu où ma mère a fait sa scolarité il y a quarante ans !
J’ai adoré faire ce reportage car j’étais au plus proche des enfants/adolescents. Au début, ils me scrutaient et à la fin de la semaine ils avaient oublié ma présence ; c’est là où l’on capte les meilleurs choses. J’aimerais refaire des sujets comme celui ci. Des moments de vie.

 

J’ai également réalisé un reportage à la Philarmonie avec des enfants. Chacun de ces projets était extrêmement nourrissant ; les enfants sont si expressifs !

9. On voit dans tes photos un rapport particulier à l’espace et l’architecture. Penses-tu qu’il s’agit de quelque chose qui t’ait été transmis par tes parents tous deux architectes ?

Oui indéniablement, je les ai vu beaucoup dessiner à la maison donc cela m’a influencé. J’ai commencé par un parcours scientifique, j’adore les mathématiques et j’ai l’esprit très carré ce qui peut apparaître comme paradoxal vu la sensibilité extrême que je peux avoir par ailleurs.

(Je place ici une série de photos repérées parmi les albums de Nora où je trouve son regard face à l’espace et à l’architecture très intéressant)

 

Cette série de photos a été réalisée en 2011 dans le cadre de mon diplôme de fin d’étude, il a été présenté à un jury. Je pense que se sont les images qui me tiennent le plus à coeur. J’en ai fait une exposition en 2017 à We Art From Paris dont voici le descriptif :

Texte

10. As-tu des sources d’inspiration majeures qui nourrissent ton travail (art, photo, design etc.) ? Et as-tu des artistes de références ?

Pour moi la vie est source d’inspiration. Tout est susceptible de m’inspirer : un passant, un livre, une plante… Après, si je devais citer une source d’inspiration majeure alors je dirais la photographie issue du courant humaniste. J’adore les compositions en noir & blanc d’artistes tel que Henri Cartier Bresson, Robert Doisneau, Robert Cappa, Elliot Erwitt. Je suis également sensible aux photos légèrement floutées de Sarah Moon. Et je suis évidemment fan des oeuvres de Gérard Uféras et d’Edgar Degas sur les danseuses observées depuis les coulisses des opéras.

 

11. En parcourant ton site, j’ai été émue par une jolie petite vidéo intitulée « Passages » que tu as réalisée en 2011 avec ton frère montrant les ruelles de Tanger. On y sent des années de vécu, de souvenirs, la volonté de dévoiler un côté vibrant de cette ville et, en même temps, tout cela est filmé dans la retenue, tout en douceur. As-tu déjà pensé à passer derrière la caméra pour réaliser des courts métrages ?

J’ai réalisé cette vidéo dans le cadre de mon projet de diplôme en 2011 et j’ai tout de suite pensé à ce sujet là et à le faire avec mon frère à la fois parce qu’on a grandi dans ces lieux et parce qu’il est réalisateur. On a vraiment pensé ce projet à deux et il a composé la bande musicale à la guitare à ma demande (il est musicien également).

 

La vidéo va crescendo : au début on voit peu de monde et les images sont fixes puis, au fur et à mesure, il y a de plus en plus de monde et le rythme de la musique s’accélère. Au final c’est l’agitation dans le zouk. La porte donnant sur la mer est le lien tout au long de la vidéo, comme un point de rencontre, elle accueille de plus en plus de personnes.
Le but était d’évoquer l’émulsion de la ville.
Pour autant je ne pense pas m’orienter un jour vers la réalisation de courts métrages car mon frère étant déjà dans cette voie je l’identifie comme étant son espace à lui.

12. Parmi toutes tes photographies laquelle préfères-tu et pourquoi ?

Je dirai une des première photo que j’ai faite au Maroc lorsque j’avais dix-sept ans. Il s’agit de deux enfants de dos qui marchent bras dessus, bras dessous dans une ruelle.
J’aime beaucoup cette photo car elle m’émeut énormément alors qu’elle a été prise de manière totalement spontanée et irréfléchie puisqu’à l’époque je n’étais pas encore formée. Mon œil n’avait pas encore été «formaté».

Photo préféré - Tanger 2006_03
© Nora Houguenade

13. Comment définirais-tu ton style (de photos) ?

Je dirai humaniste car l’humain est ce qui m’intéresse le plus.

14. Y a t-il un message que tu souhaites faire passer à travers ton art ?­­

Pas spécialement. Prendre une photo pour moi c’est capter le moment qui combine émotion, graphisme et regard ; le moment où je ressens l’effervescence d’un instant qui m’échappe et que je peux non seulement immortaliser mais aussi partager à travers ma sensibilité. À partir du moment où je touche les gens d’une manière ou d’une autre et/où je transmets des émottions, j’ai réussi ma mission.

15. Quels sont tes projets à venir ? As-tu des envies ou ambitions particulières ?

J’aimerais continuer de développer le projet Photoboost pour redonner confiance aux femmes. Sinon après avoir réalisé beaucoup de projets pour les autres dernièrement j’aimerais faire une pause et explorer. J’ai besoin de revenir à des choses qui me touchent et d’aller creuser de nouveaux univers en toute liberté sans aucune contraintes. J’ai soif de nouvelles choses. C’est dans ce but que je retourne au Maroc ce mois de mai pour participer au festival photos de Tanger. J’y vais avec beaucoup de curiosité pour découvrir des photographes maghrébins.

J’ai aussi envie de faire un projet pour moi qui soit lié à une cause humanitaire. J’espère d’ici la fin de l’année pouvoir faire un voyage dans ce cadre là. Je suis en train de réfléchir à l’association à contacter.  J’aimerais me rapprocher d’une cause qui me parle, probablement l’enfance ou l’éducation. «De quoi ai-je envie de témoigner aujourd’hui sans sujet imposé ?» est la question que je me pose en tant que photographe et qui me permet d’avancer dans mon travail.

Portrait chinois

Et si tu étais un(e)…
Couleur : 
violet
Matière : 
la soie
Métal : l’argent
Pierre : de lune
Odeur : la mer
Bruit : de la pluie
Plat : île flottante
Goût : salé
Fruit : la mûre
Saison : l’automne
Fleur : une rose blanche
Animal : la coccinelle
Paysage : les montagnes de Chefchaouen
Pays : le Maroc
Ville : Séville
Sport : la danse
Livre : L’alchimiste
Poème : « Demain, dès l’aube » Victor Hugo
Tableau : les nénuphars de Monet
Style de Musique : Soul
Film : « Orgueil et Préjugés » de Joe Wright
Personnage : Mary-Poppins
Photographie : « Le Baiser » de Robert Doisneau
Courant artistique : Humaniste
Révolution (culturelle/sociale/historique) : une révolution pour la paix (le mouvement de Gandhi par exemple)
Époque : Le XIXème siècle
Allure : l’élégance d’Audrey Hepburn
Pouvoir : 
se téléporter
Qualité : la douceur
Défaut : la naïveté
Expression : 
 « Sourie à la vie et la vie te sourira. »
Mot : 
Lumière
Citation : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que l’on n’ose pas, c’est parce que l’on ose pas qu’elles sont difficiles. » Sénèque


« Lumière » est le mot choisi par Nora, et cela lui sied bien. Déjà parce que c’est le sens de son prénom (Nour en arabe), mais aussi parce qu’il se dégage de cette jeune femme, à l’élocution douce et posée, quelque chose de résolument lumineux et positif. Danseuse, musicienne, photographe, humaniste… avec Nora tous les sens sont mis en éveil et les émotions au rendez-vous.

À l’issue de cet échange, je comprends que la spontanéité qui m’a saisit dans ses photos provient de cet instinct avec lequel elle travaille. Savoir parfois mettre de côté la technique pour être dans l’instant, se laisser porter pas son intuition, ne pas s’enfermer dans un style, rester perméable à ce qui nous entoure… Tout cela est rendu possible grâce à l’extrême sensibilité de la personne avec qui je viens d’échanger pendant près de 2h qui ont filé, entre éclats de rires et évocation de souvenirs.
Je souhaite à Nora plein de belles rencontres humaines, de projets et de voyages à venir pour explorer de nouveaux horizons comme elle l’espère, pour être émue et continuer à émouvoir…

Rencontre avec Stéphanie Guglielmetti, sculptrice dans l’Espace-Temps

   L’une de mes passions est de rentrer dans un atelier d’artiste pour me retrouver au cœur de la création et, bien sûr, c’est encore mieux en présence du maître des lieux pour avoir une grille de lecture de son travail. Il n’est pas courant de pouvoir faire de telles rencontres -ces lieux n’étant la plupart du temps pas ouverts au public ou simplement pas référencés- c’est pourquoi j’ai pleinement profité des journées portes ouvertes des ateliers d’artistes situés aux Arches à Issy-les-Moulineaux l’automne dernier. J’en ai retenu de très jolies découvertes, parfois surprenantes, et des échanges passionnants entre gens passionnés.

Une rencontre en particulier m’a marqué, celle avec l’artiste Stéphanie Guglielmetti.  En effet, à peine entrée dans son atelier j’ai été de suite envoutée par ses créations singulières et poétiques (presque musicales) ne ressemblant à rien de ce que j’avais pu voir auparavant. L’œil perçoit d’abord des mobiles en suspension, bougeant au gré du vent, réfléchissant imprévisiblement des éclats de lumière, puis l’on s’approche et l’on découvre ce qui s’avère être de minuscules…. composants horlogers ! Partout : des aiguilles, des cadrans, des rouages, tiennent comme par magie sur des fils tendus. Ça tourne, ça brille, ça carillonne… Il s’en dégage un sentiment tantôt stimulant -le visuel du mobile se réinventant constamment- tantôt apaisant –l’oscillation des composants agissant dans un léger mouvement qui berce.

Devant autant d’informations sous-jacentes (le matériau détourné, le rapport au temps, les jeux d’ombres et de lumières, l’espace…), mille questions me viennent à l’esprit. C’est donc avec l’envie d’en savoir plus à propos de son univers, de l’analyser pour essayer d’en capter l’essence, que je propose à Stéphanie Guglielmetti de venir l’interviewer dans son atelier. Rencontre donc, avec une sculptrice dans l’Espace-Temps.

1) Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

Je m’appelle Stéphanie Guglielmetti, j’ai 47 ans. Après des études de design et de graphisme j’ai travaillé dans le milieu horloger en tant que designer. C’est à ce moment là que je suis tombée amoureuse de tous ces petits composants et de la symbolique qu’ils représentent. Assez rapidement j’ai eu le besoin de démarrer une « écriture » autour de ces composants horlogers en réponse à la rigueur de ce milieu et de celle du temps universel. Petit à petit, cette activité en marge a pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir centrale. 

Je continue toutefois d’exercer dans le graphisme que je considère proche de la sculpture de par la notion d’espace, de la page et des blancs. En réalité mes écritures horlogères et mon activité de graphiste se font écho ; la seule différence est que les premières correspondent à un message personnel tandis que la seconde répond à un cahier des charges bien précis venant de l’extérieur.

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2) Depuis quand réalises-tu des mobiles constitués de composants horlogers ? D’où t’es venu cet intérêt pour collectionner ces pièces détachées jusqu’à en faire des oeuvres d’art ?

Je réalise des mobiles depuis environ quinze ans.
Au début, je photographiais les composants et je les retouchais pour leur donner une dimension abstraite puis j’ai laissé tomber l’écran photographique pour aller directement à la matière. Les mobiles éphémères que je composais le temps d’une photo avant de les détruire ont pris le dessus et sont devenus des œuvres amenées à perdurer et à vivre dans l’espace.

Je suis fascinée et à la fois terrifiée par ces petits mécanismes, par la minutie et la perfection qu’ils impliquent. En effet, dans le système de l’horlogerie, un composant doit être parfait sans quoi rien ne fonctionne. Il y a quelque chose de terrifiant là dedans : soit on est parfait, soit on n’existe pas. Il n’y a pas de droit à la différence. C’est en réponse à ce système contraint, binaire, fermé que j’ai décidé de me réapproprier ces pièces. J’ai donc commencé à récupérer des composants dits « imparfaits » (en allant loin on pourrait y voir les rebuts de la société) afin de leur donner une deuxième vie, de leur redonner leurs lettres de noblesse et au final de les mettre à la même échelle que les autres composants « parfaits ».

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Atelier © Stéphanie Guglielmetti


3. Toutes tes œuvres se regroupent sous le terme : d’ « Extractions » qui apparaît comme le fil directeur de ton œuvre. Quelle(s) symbolique(s) accordes-tu à ces « Extractions » ?

Par « Extraction », j’entends le fait de sortir quelque chose d’un système contraint pour lui donner une nouvelle liberté dépendant d’autres facteurs aléatoires, imprévisibles. Ainsi, les mobiles bougent de manière subtiles au gré du vent, de l’air, d’interactions humaines ce qui s’oppose au rythme saccadé, contrôlé, prévisible du système horloger.
Il y aussi l’idée de passer de la 2D (photographie) à la 3D (sculpture). Pour moi, l’extraction est le point commun entre mes travaux en sculpture et en photographie notamment avec mon dernier projet. J’essaie de revisiter le médium photographique et de le croiser avec la sculpture.

4) Se référer au temps, c’est forcément mettre sur la table une dimension très symbolique pleine de messages sous-jacents.
Je lis dans certains commentaires à propos de ton travail que « tu suspendrais le temps », mais à voir tes mobiles en mouvement, fragiles, presque vivants,  je me demande s’il ne s’agirait pas plutôt de le « libérer » ?
Ton travail serait-il une invitation à adopter un autre rapport au temps, à s’en détacher ?

Oui d’ailleurs l’idée de libérer le temps est à l’origine du terme « Extractions » regroupant toutes mes œuvres. Il s’agit avant tout de se pencher sur la singularité de chaque instant.
Je cherche à donner aux composants un espace de liberté propre et complètement imprévisible. C’est précisément pour cela que je travaille sur des mobiles ouverts. Je n’extraie pas des composants d’un système fermé pour les remettre dans un autre système de contraintes, cela n’aurait pas de sens par rapport à ma démarche.

Après, le temps, quoiqu’il arrive reste le temps et pas plus qu’une autre personne je n’ai de maîtrise sur lui. La question que je pose est plutôt : comment est-ce que chacun investit ce cycle et jusqu’où peut on aller dans l’appropriation de l’espace temps ?

5) Lorsque je regarde tes mobiles je vois plein de petits mécanismes tournoyant de manière aléatoire chacun à leur rythme selon les vibrations de l’air, créant des jeux d’ombres et de lumières qui se renouvellent sans cesse. Est-ce pour cela que l’une de tes œuvre se prénomme « Le chaos dans la rigueur » ?
Par leur côté changeant tes créations semblent difficilement saisissables. Est-ce une manière poétique de faire un pied de nez aux étiquettes, aux cadres pré-définis imposés par la société pour prôner la liberté individuelle
?

Toutes les compositions de mes sculptures sont montées sur une trame tout à fait rigoureuse comprenant 7, 9, 12 ou 24 fils. Cette trame illustre une contrainte universelle sur laquelle nous n’avons pas la main mise et que nous subissons : un jour c’est 24h, pas plus pas moins. Je marque ici les limites de nos libertés.
Par contre, à l’intérieur de cette trame chacun s’approprie et vit ce laps de temps à sa façon, librement, d’où le titre,  « Le chaos dans la rigueur ».

Il y a donc une trame de fond mais les mobiles restent ouverts et perméables à ce qui les entoure. Ainsi, ils sont en renouvellement permanent  visuellement. Ils ne sont pas figés et laissent place à l’imaginaire ; chacun peut y voir quelque chose de différent.

6) Je remarque que la forme circulaire est récurrente dans ton travail. Tes suspensions prennent ainsi la forme d’une sphère lumineuse et scintillante jour comme nuit à l’image du soleil ou de la lune. Au delà de l’évocation de la forme de l’horloge, est-ce aussi un clin d’œil au temps à travers les cycles de la vie et au renouvellement ?

Tout à fait, c’est une référence au cycle du temps mais je n’ai pas toujours fais des mobiles circulaires. Au début je faisais majoritairement des « écritures » faites de composants horlogers puis le cercle s’est imposé comme une évidence par la symbolique de l’universel du renouvellement, de l’infini… Il m’arrive encore aujourd’hui de revenir à des « écritures » notamment dans le cadre de commandes qui me sont faites par des particuliers. Dans ce cas précis, la plupart du temps je m’adapte à la personne, je lui pose certaines questions afin de lui créer une œuvre personnalisée.

7) Comment et se déroule ton processus créatif ? Combien de temps te prend l’élaboration de tes créations ?

Concernant la confection de mobiles, la 1ère étape est de fouiner, troquer, échanger les pièces grâce à tout un réseau que j’ai tissé. C’est une étape très sympathique durant laquelle j’échange avec des personnes avec qui j’ai un lien particulier. Il y a ensuite un gros travail de tri derrière à la réception de ces pièces.

La 2ème étape est la création des palettes : je remplis chaque bocal d’un type de composant trié selon sa forme, son métal etc. Ce qui me donne une collection de bocaux dans mon atelier à la manière d’un cabinet de curiosités. 

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Détail de l’atelier © Stéphanie Guglielmetti


Puis vient la composition : je crée des petits tas de composants et je vois la manière dont ils s’imbriquent, leur harmonie, ce qu’il s’en dégage. De là, démarre la construction du mobile qui peut être plus ou moins grand selon ce que j’ai envie de raconter.
Je n’ai pas d’idée de mobile en tête à l’origine, je construis au fur et à mesure selon ce qui se trouve entre mes mains. Pour autant c’est un travail très rigoureux puisque les mobiles sont construits selon des gabarits que j’ai préalablement dessinés, sans quoi ils ne tiendraient pas physiquement. Je travaille à plat et l’œuvre prend sa forme finale une fois montée à la verticale, lorsqu’elle se déploie dans l’espace.

Au niveau de la durée d’élaboration, c’est extrêmement variable. Cela dépend du projet et de l’œuvre en question. Cela peut aller d’une journée -lorsque je sais déjà ce que je vais faire et que je dispose de tout le matériel nécessaire pour le faire- à un an pour de plus gros projets qui se construisent au fur et à mesure et avancent au gré de rencontres.

Portrait Cité du Temps © Stéphanie Guglielmetti

8) Quelle est la phase de ton travail que tu aimes le plus ?

J’aime toutes les phases de mon travail mais s’il fallait n’en retenir qu’une alors je dirai celle de la transmission d’un mobile. J’aime bien imaginer comment mon œuvre va vivre chez la personne, comment le mobile va prendre le rythme de l’environnement dans lequel il est placé. La même œuvre confiée à tel ou tel individu aura une « vie » différente.

Pour moi, il y a aussi quelque chose de magique dans le fait de transmettre mes mobiles : c’est comme si je transmettais l’acte de créer lui-même puisqu’il y a une réelle interaction entre les mobiles et les personnes. L’idée de faire de l’autre un artiste à travers ma création, de le rendre acteur dans le processus, me plaît beaucoup.

9) Quelles sont les inspirations qui te nourrissent ? As-tu des artistes de référence ?

Dans mes inspirations majeures figurent le spatialisme avec Lucio Fontana pour la façon de travailler l’espace et le fait que l’œuvre ne soit pas seulement déterminée par la matière mais aussi par son environnement.

Je suis également très influencée par le concept du Ma japonais. Pour les japonais, l’espace est un composant à part entière, il est même nécessaire pour faire exister les choses. L’intervalle entre deux objets est nécessaire afin que chacun des deux objets existent l’un par l’autre. L’espace est un élément à part entière de chaque objet.

10) Comment définirais-tu ton œuvre en un mot ? Dans quel courant artistique la situerais-tu ?

Pour définir mon œuvre en un mot je dirai « ouverte ». Ouverte physiquement (au regard, à la lumière etc) mais aussi ouverte car possédant plusieurs niveaux de lecture.
On a déjà situé mon œuvre dans l’art cinétique mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec cela car je ne suis pas dans la régularité de la forme. Je me verrai bien dans le spatialisme, un mouvement qui m’inspire énormément.

 11) Parmi tes oeuvres, laquelle préfères-tu et pourquoi ?

Je dirais le mobile n°4 de la série universelle qui s’éclaire de nuit. Les aiguilles qui le composent sont luminescentes : elles emmagasinent la lumière dans la journée et la reflètent une fois la nuit tombée. L’œuvre prend alors un autre aspect et donne à voir une tout autre sphère.

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N°4 Série universelle © Stéphanie Guglielmetti

12) Tes installations dialoguent avec l’espace et la lumière par des jeux d’ombres projetées. Y a t’il des espaces plus ou moins propices pour exposer et « faire vivre » tes œuvres ?

Les espaces propices selon moi sont les espaces où il y a du passage, du mouvement, des échanges afin de faire « vivre » les mobiles. Un fond blanc permet de bien faire ressortir les composants et leurs ombres, j’ai déjà également exposé sur des murs de pierre et le rendu était très intéressant.
En fait, n’importe quel espace peut convenir du moment qu’il y ait de la vie !

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© Stéphanie Guglielmetti
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Orange © Stéphanie Guglielmetti

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Installation privée © Stéphanie Guglielmetti
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Vinci © Stéphanie Guglielmetti
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Vinci 2016 © Stéphanie Guglielmetti

13) Ton dernier projet, «Les affranchis» qui utilise le médium photographique évoque lui aussi le rapport au temps. Peux-tu nous en dire plus à propos de ce projet ? En quoi est-il lui aussi une extraction ? S’articule t’il comme la suite des tes mobiles ?

Il ne s’agit pas de la suite de mes mobiles mais plutôt d’un projet en parallèle.
La photographie est un médium qui me passionne depuis toujours mais je me sens vite frustrée car l’on reste dans la 2D, dans le figé. La photographie impose un visuel, point barre. Mon idée est de réaliser des portraits par le biais de la photographie mais en leur donnant un espace de respiration. Des portraits qui se détachent, qui s’extraient de leur support en quelque sorte. J’ai choisi des sujets plus expressifs que pour mes mobiles car je traite ici un vrai sujet de société.

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« Les affranchis » © Stéphanie Guglielmetti

 14) As-tu des des projets à venir et des ambitions particulières ?

J’ai plusieurs projets en cours pour diverses sociétés mais je ne peux pas en parler. En tout cas cela est très stimulant car il faut s’imprégner de l’ADN de la société, de ses valeurs  pour essayer de retranscrire une proposition qui lui corresponde et qui me corresponde. 

Sinon je n’ai pas d’ambitions particulières. Pour moi toute rencontre est belle, fait grandir et avancer. Je prends les choses comme elles viennent.  Cela va d’ailleurs de pair avec le côté aléatoire et imprévisible de mon travail.

15) Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

De continuer à créer ; que cela continue à plaire aux autres et d’aboutir ce nouveau beau projet photo dans lequel je me suis lancée.


Portrait chinois de Stéphanie

Et si tu étais un(e)…


Couleur : 
bleus
Matière : 
L’air
Métal : la ferraille

Pierre : un petit caillou
Odeur : l’herbe fraîchement coupée

Bruit : un éclat de rire

Plat : la spécialité du chef
Goût : un petit goût de reviens-y
Fruit : les agrumes
Saison : celle en cours

Fleur : l’immortelle
Animal : une loutre de mer
Paysage : la ligne d’horizon
Pays : la Terre
Ville : Paris
Sport : collectif

Livre : un polar
Poème : une liste à la Prévert
Tableau : une œuvre trouée de la série Concetto Spaziale de Fontana
Style de Musique : le Jazz manouche

Film : la grande évasion
Personnage : mon père

Photographie : 
un contre-jour d’Atget
Courant artistique : 
Les Nouveaux Réalistes
Révolution (culturelle/sociale/historique) : Une révolution artistique, quelle qu’elle soit

Époque : L’instant
Vêtement : un foulard
Allure : celle de Niki de Saint Phalle

Pouvoir : 
M’envoler
Qualité : épicurienne

Défaut : Perfectionniste

Expression : 
 »Ecoute voir ! »
Mot : 

Ouvert

Citation : Laissez tomber les heures, les secondes et les minutes – Soyez dans le Temps – SOYEZ STATIQUE, SOYEZ STATIQUES – AVEC LE MOUVEMENT. Dans le statisme, au présent se déroulant MAINTENANT. Soyez libres, vivez ! 
Jean Tinguely, Für Statik, 1959, extrait.


   
    Mes échanges avec Stéphanie Guglielmetti m’ont offert une nouvelle vision de ses mobiles et une certitude : il est impossible d’en capter l’essence. Précisément car elle ne se laisse pas définir mais elle s’expérimente à travers une expérience personnelle –propre à chacun- de l’oeuvre. Une oeuvre qui, comme l’explique joliment notre sculptrice, prend le rythme de celui qui la regarde et continue de se créer selon les éléments qui l’entourent.
L’acquéreur d’un mobile deviendrait lui-même artiste à travers ce dialogue de création incessant.  Un art “vivant” qui vient souligner nos limites en même temps qu’il nous donne la parole. “Le chaos dans la rigueur”.

Tout cela a d’abord intrigué mon esprit quelque peu cartésien pour finalement laisser place à une grande bouffée d’air frais, un espace libre (et libérateur), une parenthèse presque magique où des mobiles se réinventent la nuit en sphères lumineuses tel des astres. J’ai particulièrement aimé la notion d’”Extractions”, où des pièces à priori imparfaites car différentes (re)trouvent une place à part entière dans un nouveau système qui ne les contraint pas pour autant. Sortir du cadre, proposer autre chose, se remettre en question sans cesse et se réinventer… n’est ce pas là le propre de tout artiste ?

J’admire le travail de Stéphanie Guglielmetti dans sa capacité à aller jusqu’au bout d’un processus de création mais aussi de réflexion dans une société où les artistes -bien qu’admirés- sont souvent pointés du doigt comme des individus “perchés”, marginaux” ou encore “hors norme”. Des expressions que je trouve, personnellement, assez inconsistantes. En effet, que signifie être dans la norme ? Qui définit la norme ? Est-ce seulement raisonnable d’être dans une norme ? Sur un ton plus léger, je pense à cette phrase relevée par le documentariste Loic Prigent retranscrite dans son livre J’adore la mode mais c’est tout ce que je déteste :  “Tu crois que je suis à côté de la plaque, mais ce n’est pas toi qui définis où est la plaque.”

Singularité, Liberté, Imprévisibilité. Voilà, en conclusion, ce que m’inspire les oeuvres de Stéphanie Guglielmetti. Des créations ne s’écrivant jamais de manière fixe ou définitive, ne fermant la porte à aucune possibilité mais s’ouvrant, à tout moment, au monde entier.
“Ouvrir le champ des possibles” pourrait être le mot de la fin ; c’est ce que je vous souhaite pour cette nouvelle année mais aussi pour les suivantes !

Rencontre avec Nina Deswarte, architecte de la couleur

  J’ai connu Nina sur les bancs de l’école des arts appliqués, à l’ENSAAMA Olivier de Serres à Paris lorsqu’elle était en section design d’espace. Ce n’est pourtant que des années plus tard, grâce aux réseaux sociaux (merci Instagram), que j’ai découvert son talent d’illustratrice.

De ses dessins jaillit la couleur dans un style qui n’est pas sans nous rappeler le fauvisme. Les traits sont rapides mais toujours justes, la technique faussement simple –allez donc essayer de dessiner en perspective en si peu de temps. Mais c’est définitivement la couleur qui donne toutes dimensions à ses dessins, qui les structure et leur «donne vie».
Rencontre avec une architecte de la couleur.

1) Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours de ces dernières années ?

Je suis Nina, j’ai 29 ans et j’ai toujours aimé dessiner.
Mon amour pour l’art, à la fois l’histoire de l’art et le dessin, m’a mené à l’École des Beaux Arts d’Avignon en Restauration d’oeuvre d’Art avant de poursuivre dans le Design (ENSAAMA Olivier de Serres), et plus spécifiquement en Architecture d’intérieur.

PortraitAprès Paris, je me suis installée à Bordeaux où j’ai dirigé mon agence d’architecture d’intérieur et de design pendant deux ans. J’ai mené à bien une dizaine de projets entre Lille, Paris et Bordeaux incluant la rénovation intégrale d’une ancienne imprimerie en loft à Montreuil, la remise à neuf d’une ancienne brasserie dans le Nord ainsi que le réaménagement d’un restaurant et la réhabilitation de maisons girondines.

Fin 2016, j’ai décidé de changer de cap en me dirigeant vers le graphisme, l’illustration et la communication de manière plus globale au coeur d’un projet innovant et disruptif qui me comble aujourd’hui.

2) Depuis quand dessines-tu et qu’est ce qui t’a mené à une production de dessin quotidienne si prolifique ?

Je dessine et je peins depuis que je suis petite. À l’école primaire, j’adorais illustrer mes cahiers de poésie, j’y mettais déjà beaucoup de couleurs. J’ai été extrêmement créative entre sept et dix ans, je dessinais instinctivement et je faisais beaucoup de peinture. C’est pendant cette période que j’ai appris l’essentiel : le lâcher prise et la confiance en soi.
Le théâtre m’a permis de confirmer ces traits de personnalité, par l’improvisation et l’écoute (de soi et des autres).

Parmi les milliers d’images qui nous traversent l’esprit tous les jours, j’essaie d’en sélectionner une par jour -la plus captivante- et de retransmettre l’émotion par le dessin rapide et spontané pour ne pas en perdre l’essence. Je capture les meilleures sensations d’une journée à la manière d’un journal de pures inspirations visuelles.


3) Combien de temps te prends l’élaboration de tes croquis ?
Où et comment dessines-tu ?

Mes croquis sont rapides, je m’oblige à réduire le temps de création pour garder l’image intacte et vivante dans mon esprit. Cinq à dix minutes suffisent pour mettre l’émotion sur papier.
 L’enjeu est de savoir quand s’arrêter, c’est un équilibre à trouver.

Si je ne produis pas chez moi, je dessine beaucoup sur mes lieux de voyages. J’aime prendre de la place pour être libre de mes gestes et je choisis généralement une grande table sur laquelle je peux étaler toutes mes couleurs.

Atelier
Atelier © Nina Deswarte


4) Pourquoi privilégies-tu les pastels gras ? Quelles autres techniques apprécies-tu ?

Les qualités majeures qui me plaisent dans cet outil sont les infinis mélanges de couleurs, l’épaisseur des contours, la quantité des nuances, la possibilité de gratter la matière, l’instantanéité (du fait de l’absence de séchage) et la puissance du trait.

J’ai longtemps adoré la peinture à l’huile sur toile, l’aquarelle, l’encre de Chine, les pastels secs et le fusain. Le collage est aussi une pratique que j’aime énormément.

5) Lorsque tu dessines, as-tu des idées précises en tête ou laisses-tu place à l’improvisation ? Quels sont tes sujets de prédilection ?

L’improvisation est la part la plus importante de mon processus créatif. Cependant, j’aime aussi revisiter des intérieurs bien décorés, des moments partagés avec des personnes de mon entourage ou mes animaux. Quand je dessine « à l’instinct », la première couleur guide la première forme et cela s’enchaîne assez naturellement, sans que je me pose trop de questions.

Les sujets de mes dessins changent constamment, sans que je le décide vraiment, et varient du figuratif à l’abstrait.

 

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6) Quelles sont tes sources d’inspiration ? Des artistes de référence ?

Récemment, le Portugal et l’Afrique du Sud sont deux pays qui m’ont vivement inspirés tant dans les motifs, les couleurs, les sujets, que dans le monde animal, la nature et l’architecture.

En parallèle des souvenirs de voyages, je suis influencée par de nombreux courants artistiques du début du XXème siècle, notamment le mouvement Post-Impressionisme -Paul Gauguin (a), Paul Cézanne (b), Vincent Van Gogh (c)- l’Expressionisme -Pablo Picasso (d) et Paul Klee (e)-, le Fauvisme -Henri Matisse (f)- et l’Art naïf -Le Douanier Rousseau (g).

Art Post-Impressionnisme
Art Post-Impressionnisme, moodboard © Nina Deswarte

Sur la scène contemporaine, je citerai le travail époustouflant de l’artiste africain Gareth Nyandoro (h). J’ai découvert des artistes du monde entier sur Instagram et je suis ainsi devenue une grande admiratrice des sculptures de Peter Lubach (i), des paysages colorés de Laurent Corvaisier (j), de la force des œuvres de Vittorino Curci (k), des installations fleuries d’Ann Wood (l), des croquis aux crayons de couleurs de Joey Yu (m) ou encore des céramiques de Claire Jonhson (n).

Art contemporain
Art contemporain, moodboard © Nina Deswarte

7) Comment définirais-tu ton style ?

Entre une forme d’Expressionnisme et d’Art Naïf.

8) Parmi tous tes dessins, lequel préfères-tu et pourquoi ?

Je dirais que mon dessin préféré est « Happy Figure » qui est à la fois doux et puissant. J’ai le souvenir d’avoir été surprise et touchée lorsque le dessin était achevé.

Happy Figure, 21x29,7cm, 2018
Happy Figure, 21×29,7cm, 2018, © Nina Deswarte


9) Vers quelle direction artistique aimerais-tu te diriger avec le dessin (envies, collaborations, sur mesure) ? Des projets à venir ?

Je pense que la prochaine étape sera d’exposer mes dessins et de faire découvrir mon travail aux adeptes des galeries d’art.
L’avantage de passer du digital au réel sera la lecture des textures, des reliefs, des polychromies. Seul un dessin vivant peut transmettre toute son émotion.


10) Y a t’il un message que tu aimerais faire passer à travers tes créations ?

Je ne ressens pas le besoin de communiquer un message en particulier dans mes œuvres, je tiens à ce que chacun éprouve mes créations de façon libre. Je tente de retranscrire tous les jours les images les plus positives et marquantes qui viennent à moi, en espérant intriguer et retranscrire cette énergie.


Portrait chinois de Nina

Et si tu étais un(e)…
Couleur : Jaune
Matière : Terre
Métal : Inoxydable
Pierre : Roches de Roussillon
Odeur : Une forêt de Pins
Bruit : Une chouette la nuit
Plat : Les plats de mon amoureux
Goût : Salé
Fruit : La Pêche
Saison : Été
Fleur : La Rose
Animal : Lion
Paysage : Le Fynbos au Cap
Pays : Un faible pour l’Italie
Ville : Bordeaux
Sport : Marathon
Livre : Les Livres d’Art
Poème : Alcool – Apollinaire
Tableau : Intérieur au rideau égyptien de Matisse
Style de Musique : Pop Rock Funk
Film : On Connaît La Chanson de Alain Resnais
Personnage : Peau d’Âne
Photographie : Berenice Abott
Courant artistique : Post-Impressionnisme
Révolution (culturelle/sociale/historique) : Droit de vote des femmes
Époque : le Présent
Vêtement : un beau manteau
Allure : Élégance
Pouvoir : la téléportation
Qualité : La Persévérance
Défaut : Susceptibilité
Expression : Pas folle, la guêpe !
Mot : Exploration

Citation : « On s’assied plus confortablement sur une couleur que l’on aime. »
Verner Panton


   S’ils ne sont pas chargés de messages, pour ne pas influencer le spectateur, il ne fait aucun doute que les dessins de Nina sont chargés d’émotions.
Ce qu’ils m’inspirent ? Une joie débordante, une énergie solaire, une poésie du quotidien. Une vision à l’image de leur créatrice, un brin hyper active, toujours souriante, la voie dynamique et pleine d’entrain laissant percevoir un esprit créatif foisonnant.

Plonger dans l’univers de Nina, c’est un peu regarder les choses à travers un filtre gai et optimiste où personnages, animaux, plantes ou objets dansent au rythme des couleurs et des motifs dans une harmonie qui leur est propre. Un filtre qu’on adopterait volontiers par ce mois de septembre synonyme de rentrée.

Albert Besnard : du réalisme aux libertés de l’ailleurs, un voyage de toute beauté

Par une froide après-midi de janvier me voici sur les traces de «L’impertinent absolu», mais il y avait tant de monde qu’il me fut impossible de me projeter dans l’univers du célèbre dandy. En me baladant au coeur de ce Petit Palais que j’aime tant je suis alors tombée sur une rétrospective consacrée à Albert Besnard (1849-1934). De lui, je connaissais les splendides plafonds de la comédie Française et du vestibule d’entrée du Petit Palais, c’est à peu près tout. Il fut en effet un peintre décorateur majeur du Paris de la belle époque. Mais pas seulement…

Une palette sous influences

Albert Besnard fut d’abord un peintre réaliste à l’image du Portrait de Jeanne George (1874) réalisé l’année où il remporta le Grand Prix de Rome.

Néanmoins, l’influence de la peinture préraphaélite lors d’un séjour à Londres fait rapidement évoluer son style. Sa palette se fait alors plus vive, plus flamboyante.
Une palette qui ne tarda pas à faire scandale avec le Portrait de Madame Roger Jourdain (1886) à cause de ses contrastes colorés jugés trop violents. Le visage apparaissant presque jaune -dû à la lumière du moment- n’est en effet pas du goût de l’époque. Malgré cela, il devint un portraitiste en vogue qui représenta de nombreuses personnalités du monde littéraire et artistique de l’époque.

Pour ma part, ce qui retient mon attention dans le Portrait de Madame Jourdain ce n’est pas tant la couleur de son visage que les plis satinés de sa robe, si réels dans ces infinies nuances de blanc qu’ils semblent presque se détacher du tableau.
Cela me fait penser à Promenade au bord de la mer du peintre luministe Joaquin Sorolla (1863-1923) dont une rétrospective fut également organisée au Petit palais il y a 10 ans. Bien que profondément différents de par leurs contextes, il y a quelque chose de commun entre ces deux peintres dans cette capacité à maîtriser le blanc et à jouer avec la lumière.

La lumière semble également jaillir par multiples touches du Portrait de Madame Pillet-Will (1900). Sa robe «écaillée d’argent», véritable fourreau de sirène, lui vole pratiquement la vedette.

Lumière brûlante enfin avec le Portrait de Jeanne Bardet (1894) où une cascade de drapés jaune-orangé n’en finit pas de réchauffer le tableau de flammes vibrantes.

Ce traitement subtil de la couleur pour représenter les étoffes de ces dames ne pouvait que séduire la passionnée de textile que je suis.

Célébrer la beauté féminine

Qu’il s’agisse de portraits mondains ou intimes, Besnard célèbre la beauté féminine.
C’est avec la technique du pastel qu’il excelle à révéler la sensualité de ses sujets. Celui qui fut président de la société française des pastellistes de 1908 à 1913 à réalisé de nombreux portraits et nus avec ce médium approfondissant ainsi ses recherches colorées.

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Baigneuse (1888) pastel sur papier gris, 73,2 x 40,2 cm.

La Baigneuse (1888) illustre bien la virtuosité du pastelliste.
En effet, parmi les sujets colorés les plus délicats à représenter figurent certainement le blanc et l’eau. Le blanc, Besnard nous en a fait la démonstration avec le Portrait de Madame Roger Jourdain (1886). Et voici l’eau, représentée simplement par quelques lignes fluides.

Ce tableau a quelque chose de mystérieux à commencer par cette baigneuse mélancolique donc l’identité demeure incertaine. Puis il y a cette palette de couleurs plutôt inhabituelles. Cette coulée d’or reflète t-elle un coucher de soleil se révélant dans une rivière ou bien une identité symboliste affirmée ? Et que dire enfin de cette ambiance vaporeuse. Cette jolie baigneuse rêvant n’a t-elle pas seulement été rêvée ?
Dans tous les cas, il émane de ce tableau une extrême douceur où l’eau enveloppe et caresse la jeune femme de ses rayons lumineux pour mieux la sublimer.


Entre féerie et noirceur

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Féerie intime (1901) huile sur toile, 146 x 155 cm.

Besnard n’a pas seulement révélé la beauté féminine dans tout ce qu’elle a de merveilleux comme en témoigne féerie Intime (1901) qui laisse percevoir une autre facette du peintre.
Voici un clair-obscur saisissant où la cuisse d’albâtre de la belle alanguie se démarque du reste du tableau à moitié plongé dans l’obscurité. À la beauté féminine se mêle ici une part d’ombre. Une beauté entre opacité et lumière.

On remarque toujours cette prouesse à peindre les somptueuses toilettes et bijoux qui participent à cette féerie intime révélée aux yeux de tous.

Décorateur, peintre, pastelliste, mais aussi graveur. La gravure lui permit de traiter des sujets plus sombres parfois témoins de ses angoisses. Ainsi, la série de 12 planches gravées à l’eau forte intitulée La Femme (1885) offre une vision résolument pessimiste du cycle féminin, de la naissance à la mort. Une Mort qui va jusqu’à devenir le sujet principal d’une autre série de planches intitulée Elle (1900).

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L’Enivrement des roses (1899). Huile sur toile.

Ce thème angoissant se retrouve aussi de manière plus implicite à travers d’autres œuvres. En effet, L’enivrement des roses (1889) par exemple peut être vu comme une allégorie de l’odorat mais aussi de la finitude humaine : les roses évoquent la beauté éphémère, le temps qui passe. Après l’éclatante floraison vient l’inévitable pourriture.

La beauté face à l’épreuve du temps, un sujet récemment abordé par le réalisateur Nicolas Winding Refn. «Vous n’aurez jamais la beauté et la longévité. Mais si vous le voulez absolument on bascule dans l’horreur.» témoigne t-il à propos de son film The Neon Demon (2016).

Albert Besnard peintre de la beauté féminine, luministe avant-garde mais aussi graveur de la noirceur humaine donc. Comme si l’un ne pouvait s’envisager sans l’autre. De quoi faire un parallèle avec une citation de Jean Michel Othoniel dans le cadre de son exposition My Way (2011) au centre Pompidou : «La beauté n’existe pas sans sa part d’ombre. Si on veut parler du beau il faut aussi parler du grotesque, des monstres, de la violence.»

Les libertés de l’ailleurs

La palette flamboyante de Besnard se révèle à son apogée dans les années 1910 suite à ses voyages en Espagne, au Maroc en Algérie et en Inde.
La féerie orientale apparaît à travers des tons réchauffés à l’image de ces Femme de Madura qui débordent de sensualité avec leurs peaux mordorées. La couleur éclate avec enthousiasme sur des toiles où styles réaliste et symboliste se mêlent d’une manière totalement libérée.

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De ses voyages il ramène notamment L’Algérienne (1893) et La Favorite (1892), figures mystérieuses, délicieusement envoûtantes, exprimant les goûts et les richesses de l’ailleurs.

Je vais là-bas pour être un autre homme […] parmi les hommes autres.» écrit le désormais directeur de la Villa Médicis dans son récit de voyage L’Homme en rose ou l’Inde couleur de sang en 1913.


Merci Mr Besnard pour cette véritable invitation au voyage là où «tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté.» Comme il est étonnant que votre nom ne soit pas plus souvent évoqué dans l’histoire de la peinture française !

Rencontre avec Flavie Paris, Artiste joaillier

J-4 On parle de la St Valentin bien entendu. Une belle occasion d’offrir des preuves d’amour, que l’on soit en couple ou pas. Pour cela, quoi de mieux qu’un bijou ? Mais attention, pas n’importe lequel. On le voudrait poétique, chargé de symboles et surtout unique.
En quête du bijou idéal dans la cité de l’amour et du charme éternel, que va t-on trouver au cœur de Paris ? Justement, on a rendez-vous dans le Marais avec Flavie Paris, une créatrice de joaillerie qui nous ouvre les portes de son atelier.
Rencontre avec une artiste passionnée, sensible et éperdument romantique.

Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Flavie, j’ai 29 ans. Après mon bac, j’ai étudié l’histoire de l’art à la Sorbonne avant de me consacrer à ma passion : la création de bijoux. Après avoir obtenu ma licence d’histoire de l’art et d’archéologie, j’ai donc intégré une école de joaillerie : l’école de la rue du Louvre BJOP. Pendant 4 ans, je me suis formée en alternance au sein d’un des plus beaux ateliers du monde : Cartier. J’ai ensuite travaillé deux ans à Hong Kong avant de revenir à ma ville de coeur, Paris. Aujourd’hui, je possède ma société Flavie Paris représentant ma marque de bijoux Flav paris créée il y a un peu plus d’un an. En octobre dernier, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Paris m’a attribué le titre de maître artisan.

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© Avril Dunoyer

Pourquoi avoir étudié l’archéologie, y a-t-il un lien avec l’univers du bijou ?  
L’étude de l’histoire des arts et de l’archéologie m’a permis d’approfondir mes connaissances sur les différentes techniques de fabrication des bijoux et courants artistiques de l’antiquité jusqu’à nos jours. De la théorie, je suis passée à la pratique en me mettant à créer mes propres bijoux avec ce bagage culturel qui me nourrit sans cesse. Je m’inspire par exemple beaucoup de l’antiquité, de l’Egypte ancienne.

En quoi t’inspires-tu de l’antiquité ?
À travers mon procédé de fabrication d’abord. En effet, je crée mes bijoux de manière traditionnelle, entièrement à la main, et j’utilise une technique datant de l’antiquité : la fonte à la cire perdue. Je sculpte la plupart de mes bijoux dans la cire ce qui me permet d’être très libre dans le choix de mes formes, des courbes notamment. Ensuite, un moule est créé autour de la cire -aujourd’hui les moules sont en silicone mais dans l’antiquité on utilisait une âme de bois. Lors de la dernière étape, la cire chauffée s’évapore et laisse l’empreinte du bijou dans le moule au sein duquel on coule le métal en fusion.

L’antiquité se retrouve par ailleurs dans mes créations en termes de source d’inspiration. Ainsi, dans ma collection Paris by Paris, la forme de la bague Secret dévoilé évoque tant l’architecture de la Pyramide du Louvre que celle des pyramides égyptiennes. Le diamant à l’intérieur symbolise quant à lui le trésor qui y était caché – les sarcophages des pharaons étaient cachés au coeur des pyramides et accompagnés de trésors infiniment précieux.

Quel fut le point de départ de cette première collection Paris by Paris 
Mon amour pour la ville de Paris déjà. J’ai eu l’idée de créer des bijoux inspirés de l’architecture parisienne évoquant, à ceux qui les portent, des moments amoureux ou familiers dans le décor parisien. Et puis Paris c’est mon nom de famille aussi !
Chacun des bijoux de cette collection est lié à un monument/une caractéristique architecturale emblématique de Paris qui est également symbole d’amour : Charmant évoque la Tour Eiffel où tous les amoureux se retrouvent ; Be my Love le pont des arts avec ses cadenas accrochés pour sceller une relation ; Où je t’ai croisé un panneau de rue sur lequel on peut inscrire le lieu où l’on a rencontré sa bien aimée…

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A quel type de femme s’adressent les bijoux Flav Paris  ?
Mes bijoux s’adressent à toutes les femmes de tous les âges et styles. Selon moi, ce n’est pas le bijou qui fait le style, c’est la manière dont on le porte.

Comment définirais-tu ton style?
Il est très difficile pour un créateur de définir son propre style car il s’agit souvent d’inspirations personnelles que l’on n’expliquent pas toujours. Je dirais que mes bijoux sont modernes et épurés, (j’espère) élégants et avec une touche d’audace !

Quels univers et créateurs t’inspirent?
J’essaie de m’inspirer de beaucoup de choses et pas forcément d’autres bijoux pour ne pas tomber dans le « déjà vu ». Je me nourris du quotidien, de la vie en général : une balade, un moment entre amis, des passants dans la rue, l’architecture… je pars souvent de certains sentiments, ressentis, auxquels je mêle des inspirations artistiques comme la peinture, l’architecture, la sculpture etc.

Quels bijoux et matériaux préfères-tu travailler?
J’aime tous les bijoux, mais j’ai un faible pour les bagues. J’aime travailler les métaux  précieux, l’or est mon favoris. Je travaille aussi l’or noir que je préfère à l’argent.
J’aime donner un aspect un peu usé à mes bijoux, comme s’ils avaient vécu, c’est pourquoi la plupart du temps je sable ou je brosse le métal. Cela a également l’avantage de mieux faire ressortir les pierres serties étant donné qu’une fois poli, le métal brille moins.
Côté pierres, je suis une inconditionnelle des diamants car ils n’ont pas d’humeur, ils se portent avec tout, à tout moment.

Tu privilégies l’artisanat, le fait-main. Réalises-tu aussi des bijoux sur-mesure ou personnalisés ? 
Oui cela représente une grande partie de mon travail, les clients qui aiment mon style sont friands de créations sur mesure, pensées et fabriquées pour eux spécialement.
Le fait de travailler à la main offre des possibilités infinies de créations. La personnalisation va de la modification d’un modèle issu de mes collections (changer le coloris, y graver un message) à la création de toute pièce d’un modèle unique sur demande.
J’ai créé récemment une alliance sur-mesure pour une cliente venue à l’atelier avec des croquis et des idées. J’ai retravaillé les dessins en respectant au maximum ses indications et en essayant de m’approcher au plus près de ses envies. Au final, elle était très contente du résultat. C’est toujours un challenge pour un créateur de comprendre et d’interpréter les envies de ses clients mais c’est aussi ce qui rend ce métier si passionnant !

Combien de temps la création d’un bijou te prend t-elle ?  
Tout dépend du bijou. Au minimum quelques heures, parfois quelques semaines si la pièce est très riche en pierres ou s’il y a des systèmes à fabriquer. Tout ce qui est fait main demande de la concentration et un certain temps d’exécution. Le bijou qui en ressort est « vivant » car il naît véritablement de la passion de son créateur.
De l’idée du bijou à sa livraison dans son écrin, il y a un nombre important d’étapes : le dessin, la sculpture, les finitions, le choix des pierres, le sertissage et les déplacements !

As-tu déjà envisagé des collaborations avec d’autres artistes/marques ?
C’est un projet auquel je pense mais ce n’est pas d’actualité. J’ai encore beaucoup de choses à mettre en place et à développer avant de songer à des partenariats créatifs, mais cela viendra oui, l’idée me plaît.

L’amour comme source majeure d’inspiration, des bijoux uniques travaillés à la main, des poèmes pour illustrer tes créations sur ton site… ton approche du bijou est très sentimentale et symbolique n’est-ce pas?
Absolument. Lorsque je créer, mes sentiments, mes envies, ce que je vis à ce moment là, s’expriment dans mes bijoux comme pour un peintre. Lorsque l’on connait la vie personnel des grands peintres, on comprend mieux pourquoi ils ont peint tel tableau à tel moment. La main du créateur est le reflet de ses émotions. Je suis une romantique !
Pour la collection Accroche-moi, j’ai voulu jouer sur cet aspect d’appartenance à l’être aimé -dans le bon sens du terme bien entendu- sur le fait d’être attaché à quelqu’un par amour ou par amitié avec des objets mécaniques/techniques qui servent à accrocher quelque chose : des crochets, des outils comme une clef à molette etc.

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Y a t-il un message que tu aimerais faire passer à travers tes créations?
Un message de paix, d’amour. Le bijou est le premier symbole d’amour depuis l’antiquité, il se transmet de génération en génération, et est témoin des plus beaux événements de la vie : la naissance d’un enfant, le mariage, les anniversaires… Il est source de joie, c’est vraiment cela que je cherche à mettre en avant et que j’ai en tête quand je crée.

As-tu des projets à venir?
Je travaille sur une nouvelle collection mais c’est un secret !


Et si tu étais un/une…
Couleur : le rose
Matière : un pétale de rose
Métal : l’or
Pierre : le diamant
Odeur  : du croissant chaud
Plat : le tiramisu de ma maman
Fruit : le kiwi
Saison : l’été
Fleur : la violette
Animal : un bouledogue, le mien a la vie trop cool
Paysage : la Tour Eiffel vue depuis les toits parisiens
Pays : la France
Ville : Paris
Sport : le tennis
Livre : de Jane Austen
Poème Demain dès l’aube de Victor Hugo
Tableau : L’enlèvement des Sabines de David
Musique : Howl’s moving Castle de Joe Hisaishi
Film : Peau d’âne de Jacques Demy
Photo : Le Baiser de Doisneau
Courant artistique : l’art contemporain
Révolution : le salon des refusés de mai 1863
Époque : aujourd’hui
Style : celui dans lequel on se sent bien
Vêtement : des creepers underground
Personnage imaginaire : mon ange gardien
Super pouvoir : exaucer les voeux
Qualité : honnête
Défaut : honnête
Mot : amoureuse  

Des techniques puisées dans l’antiquité côtoyant des formes graphiques et modernes ; des matériaux bruts travaillés dans un style épuré. Flav Paris ou l’art de mélanger l’ancien et le nouveau avec élégance. En cela, le mot de la fin pourrait être « paradoxal » comme l’est parfois d’ailleurs le lien amoureux.
Voilà en tout cas des créations qui donnent envie de devenir touriste dans sa propre ville, de sillonner les rues Parisiennes et d’y trouver l’amour… qui sera peut-être le début d’un bel engrenage. Au coeur de Paris, on vient de trouver un véritable écrin à bijoux.
Poétiques, symboliques ET uniques.

Chasser le mauvais oeil

Éloigner le mauvais sort. Il ne s’agit pas seulement d’un clin d’œil aux (tristes) actualités mais de la prolongation et de l’affirmation d’une tendance mode apparue il y a deux ans déjà. Rappelez-vous, défilé Kenzo Automne-Hiver 2013-2014 : des yeux noirs et blancs, en motif placé/oversize ou en all over sont LA signature de la collection. Une tendance qui tape visiblement dans l’œil d’autres maisons qui s’en emparent rapidement.
Dès lors, l’œil se décline version haute couture sous forme de pastilles brodées chez Givenchy, version Twilight revisité avec des imprimés oeil de loup (garou ?) chez Felipe Oliviera Batista, version bijoux art déco chez Paule Ka et Delfina Delettrez , version espiègle sur des slippers chez Dior et Apologie… Du pain béni pour les fashionistas qui adoptent ce motif pour twister leur look.

Et aujourd’hui ? Ça continue à travers des collab telles que « Majestic Filatures x André » qui décline l’imprimé oeil sur des t-shirt et des sweats mais aussi avec des créations de blogueuses (Chiarra Ferragni en tête). Impossible donc d’échapper à ces Big Eyes un brin inquisiteurs qui nous fixent sous forme de bijoux, de pochettes…
Focus sur une tendance mode qui nous fait clairement de l’oeil.

  • Inspiration

oeil

  • Origines et symboliques

Pour sa collection Automne-Hiver 2014, Kenzo s’est inspiré des yeux des temples Hindous synonymes de protection.

A l’origine, l’œil est le symbole du divin. L’œil de la providence, ou « œil omniscient », est caractérisé par un œil placé à l’intérieur ou en dessous d’un triangle figurant la Trinité et entouré de rayons de lumière. Il incarnerait l’œil de Dieu surveillant l’humanité et à qui rien n’échappe.
On retrouve cette interprétation dans la mythologie égyptienne avec l’œil d’Oudjat soit l’œil gauche du Dieu faucon Horus. Cet œil est associé à la lune et aux offrandes funéraires. La lune qui se regénère sans cesse à travers ses phases est en effet l’espoir d’une possible renaissance pour les défunts égyptiens. L’œil d’Horus symbolise bonne santé, protection et fécondité.

Le mauvais œil à l’inverse renverrait au pouvoir supposé malveillant du regard de certaines personnes. Croiser ce regard jaloux provoquerait le malheur. Porter amulettes, gris-gris et autres talismans souvent représentés sous forme d’œil, de lune, de scarabée et de corne permettrait de s’en protéger.

Dans la mythologie grecque les cyclopes pourvus d’un seul œil et donc d’une perception diminuée apparaissent comme des monstruosités vouées à l’impulsivité.
Le troisième œil en revanche serait reflet de sagesse. Chez les Hindous, Shiva possède trois yeux : un œil solaire, l’autre lunaire -comme Horus– et en plus un troisième œil au milieu du front représentant la connaissance spirituelle, la clairvoyance et l’intuition. On parle également de l’oeil d’Ajna, lié au mental, dont les facultés seraient améliorées par la méditation qui favorise le discernement et le détachement.

  • Shopping Modefashion-eye
  1. Pochette The Whitepepper
  2. T-shirt Majestic Filatures x André
  3. Pochette Charlotte Olympia
  4. Porte-clés Essentiel Antwerp
  5. Slippers Chiara Ferragni
  6. Pochette Yazbukey
  7. Slippers Apologie
  • Shopping Bijouxbijoux-oeil
  1. BO Delfina Delettrez
  2. Bague Thomas Sabo
  3. Collier Joseph
  4. BO H&M
  5. Bracelet b-tal jewellery
  6. Bague Tatty Devine
  7. Bague Third eye

Pour chasser les mauvais esprits on peut aussi se parer de jolis gris-gris porte-bonheur sous forme de bracelets brésilien, scarabée, corne, croissant de lune, attrape-rêve indien… A moins que vous ne préfériez croire en votre bonne étoile.

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  1. Bague Scarabée Rita & Zia
  2. Bague Petite Lune et Bracelet Dream Catcher Caroline Najman
  3. Bague Aimée Monsieur
  4. BO Ozalée Satellite
  5. BO Youh Youh Bijoux
  6. BO Short feather Bimba y Lola
  7. BO Dream Stalactite
  8. Bracelet Sylvia Toledano
  9. Bracelet et Collier Etoile Agatha
  10. Bracelet Beth Turquoise Pascale Monvoisin
  11. Bracelet Scaramouche Gas Bijoux
  12. Lien avec Scarabée en céramique Ginette NY
  13. Manchette de bracelets brésiliens Pink Lucky Hipanema
  14. Colliers H&M
  15. Colliers et bagues H&M
  16. Collier Bimba y Lola
  17. Tour de cou Takayama baby corne Aurélie Bidermann
  18. Collier Formentera Goutte L’Atelier Clandestin
  19. Pendentif Marabout Medecine douce
  20. Collier Pearl Star et Bague Pearl Luna Pamela Love

Rose et rouge, le duo qui claque

Et si le meilleur allié du rose était le rouge ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser -« c’est too much », « ça va jurer »- ce duo fonctionne en effet très bien et a déjà fait de nombreuses adeptes du côté des fashionistas défilant dans la rue comme des stars défilant sur les tapis rouges. Audrey Tautou, Kate Winslet, Elizabeth Hurley, Malin Akerman ou encore Olivia Palermo -entre autres- n’ont pas eu peur de ce color block électrique. Quant à la créatrice espagnole Agatha Ruiz de la Prada, elle a choisi ce duo en total look du sol au plafond pour sa boutique à Madrid.

Côté make-up la couleur fuchsia, définie comme un « violet rougeâtre » dans Le Répertoire des couleurs de la Société des chrysanthémistes (1905), s’est régulièrement invitée sur les défilés ces dernières années. On l’a vu détournée, en aplat sur les paupières plutôt que sur les lèvres, et en halo diffus sur les tempes notamment. Elle a également plus récemment envahi le secteur de la beauté et de la parfumerie.

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Le rose est une couleur plus complexe qu’elle n’y paraît car ambivalente. Elle renvoie en effet à la fois à des tonalités douces (vieux rose, lait-fraise, rose bonbon) obtenues par des rouges lavés de blanc et à des teintes vives (rose indien, magenta, fuchsia) obtenues par des colorants synthétiques à partir de la fin du xixe siècle. Dans le second cas de figure, le cercle chromatique se situe alors entre le rouge pourpre et le violet.

La symbolique qui en émane est tout aussi ambivalente : au rose pâle évoquant l’enfance, la candeur et la  pureté s’oppose le rose shocking* couleur de la sensualité, de l’érotisme et des excès.

C’est une couleur franche qui renvoie à la fois aux héroïnes du photographe Guy Bourdin et au mouvement punk » explique le maquilleur Ludovic Engrand à propos du fuchsia.

* Le rose shocking ou shocking pink désigne une nuance de fuchsia qui fut introduite en France en 1937 par la créatrice de mode italienne Elsa Schiaparelli. Cette nuance, qui devint sa marque de fabrique, fut par la suite utilisée par Yves Saint Laurent dans ses collections.

  • Moodboard d’inspiration

LE-duo-qui-claque-inspi2
© JITMF

  • Shopping Mode 

Version Work

jour

  1. Bracelet Myfirtst Agatha
  2. Chemise Zara
  3. Pantalon slim Naf Naf
  4. Collier Tatty Devine
  5. Bague & Other Stories
  6. Sac imprimé bisous Agatha Ruiz de la Prada
  7. Écharpe tube H&M
  8. Manteau La Redoute
  9. Salomé bi-matière Repetto

Version Afterwork

soir

  1. Gilet col V Naf Naf
  2. Bracelets H&M
  3. Escarpins bicolores Mellow Yellow
  4. Sautoir Stalactite
  5. Robe patineuse Top Shop
  6. Créoles Claire’s
  7. Sac Bershka
  8. Collants Color-mania
  • Shopping Beauté 

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  1. Coulis de douche fruits rouges Melvita
  2. Lait soyeux corps à la rose Weleda
  3. Masque visage au cranberry Bio Lavera
  4. Parfum Paris Premières Roses Yves Saint Laurent
  5. Parfum Valentina Valentino
  6. Rouge à lèvres Intense Clinique
  7. Rouge à lèvres Emotional rose 237 Peggy Sage
  8. Rouge à lèvres La vie en rose 305 Paul & Joe
  9. Gloss Make Up Forever
  10. Crayon lèvres Hot Collection Bobby Brown
  11. Crayon lèvres Phyto-Lip Sisley
  12. Crayon yeux Colorful Sephora
  13. Blush Subtil Lancôme
  14. Blush Dual Intensity Nars
  15. Vernis Salon Pro 105 et 115 Rimmel London
  16. Vernis Fabulous Kure Bazaar
  • Conseils Beauté

Les conseils d’Emilio Benedetti, Make-up Artist Yves Saint Laurent :

> Pour un look duo rose + rouge
1. On applique au doigt un fard crème rose profond sur la paupière mobile.
2. On donne du contraste avec un trait fin de crayon prune au ras des cils supérieurs et on intensifie le regard avec du mascara noir.
3. On coordonne avec un rouge à lèvre corail + un blush orangé.

> Pour un look ton sur ton fuchsia
1. On laisse la paupière nue mais on travaille le dessous de l’oeil avec un crayon gras noir fondu avec une ombre poudre rose foncé.
2. On rehausse le haut des pommettes et des tempes avec un blush poudre rose frais.
3. On applique un rouge à lèvres fuchsia intense sur la bouche.

Les conseils de Ludovic Engrand, Make-up Artist Shu Uemura :

En photo ou sur les podiums des défilés, le fuchsia aimante l’attention et évoque l’audace et la force. Dans la vraie vie, il faut savoir l’utiliser avec subtilité pour ne pas avoir l’air déguisé. Les khôls noirs gras, posés à l’intérieur de l’oeil au ras des cils, vont adoucir le côté choquant du rose vif. On peut par exemple, appliquer un eye-liner noir avant de le doubler avec un eye-liner rose.

En résumé :
 Le fuchsia c’est soit sur les paupières soit sur les lèvres sinon c’est too much.
Pour l’option sur les lèvres on opte pour un fini mat et on calme le jeu avec un maquillage nude.
 Le noir est le partenaire idéal du fuchsia sous forme de mascara ou de crayon gras.

  • Shopping Design 

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  1. Verre Maison du Monde
  2. Torchon Fleux
  3. Nappe Casa
  4. Vase soliflore Movimento-ecodesign
  5. Gelée de pétales de roses Nature & Découvertes
  6. Thé Bio Framboise-litchi Nature & Découvertes
  7. Robot Patissier KitchenAid Artisan
  8. Nespresso Inissia Krups
  9. Boîtes de rangement Fleux
  10. Pouf Casa
  11. Chaise Fermob
  12. Chaise Acapulco La chaise longue
  13. Housse de coussin Ikéa
  14. Coussin en soie et lin Zara Home
  15. Bouillotte coeur cocoon La chaise longue
  16. Guirlande lumineuse Heart Habitat
  17. Suspension Canberra Maison du monde
  18. Lampe de table Casa
  19. Casque Gïotto Ora-ïto
  20. Coque Iphone Marimekko
  21. Souris Coeur La chaise longue
  22. Réveil Babylon Lexon
  23. Kit séchage express Calor
  24. Pot à crayons Essey
  25. Masque de yoga Nature & Découvertes
  26. Kit pilates La chaise longue
  27. Tapis Tvis Ikéa
  28. Tapis Nova Chevalier édition
  29. Stickers Domestic
  30. Ruban adhésif Kamoi Kakoshi chez Merci
  31. Porte-revues Fleux
  32. Vélo Gramercy Martone cycling

Beautés tatouées

Si vous n’avez pas encore vu « Tatoueurs, Tatoués » courez-y ! Il ne vous reste en effet plus que deux semaines pour visiter cette somptueuse exposition, probablement la plus importante qui n’ait jamais été faite sur le tatouage. On y découvre les différentes origines, techniques, modes de vie et sens liés au tatouage selon les époques et populations à travers les quatre continents.

Le tatouage séduit, qu’il soit permanent ou pas. En effet, impossible de passer à côté de la tendance des tatouages éphémères particulièrement vus cet été.

De nombreuses marques de bijoux et d’accessoires surfent sur cette tendance en proposant des tatouages en éditions limitées tandis que d’autres se sont carrément spécialisées dans les bijoux éphémères, version or ou argent. Idéal pour sublimer sa peau encore bronzée au retour d’une destination ensoleillée ou pour faire sensation le temps d’une soirée.

Inspiration

inspitattoo

Sélection

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  •  By Who Tattoo
  •  DCER
  •  Glams Tattoo
  •  Satellite
  •  Sioou
  •  Skin Jewel Tattoos
  •  Thomas Sabo
  •  T.E.M.

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  •  Bernard Forever
  •  DCER
  •  Claire’s
  •  Creavea
  •  Luz
  •  Satellite
  •  Sioou
  •  Nars
  •  Skin Jewel Tattoos
  •  Tattyou
  •  T.E.M.

Rencontre avec Davina Shefet « For The Party People »

Chatoyance de couleurs fauves, joyeux bric à brac vintage, cabinet de curiosités bling bling, brocarts et soieries en attente d’ornements précieux… nous ne sommes pas à Byzance mais chez Davina Shefet ou plutôt dans son atelier, là où ses créations textiles inspirées et inspirantes prennent forme. De son imagination naissent des histoires poétiques qui se racontent par petites touches sur des foulards et des kimonos habités. De l’artisanat avec un grand A à l’ère du fast fashion et des digital natives qui ne jurent plus que par le virtuel, on aime ça.

©Justinthemoodfor
Joyeux bric à brac vintage

©justinthemoodfor

©Justinthemoodfor
Brocarts et soieries en attente d’ornements précieux

Davina est arrivée dans la mode « par hasard » et explique créer « par accidents » . Son talent semble lui échapper alors même qu’il nous éclate à la figure. Voyage quelque part entre l’orient et l’occident, For the Party People mais pas que…

Peux-tu te présenter ?
J’ai 27 ans, à la base je suis compositeur-interprète puis j’ai étudié la communication visuelle pendant trois ans à l’ECV. Je me considère un peu comme une touche-à-tout. J’ai commencé l’illustration et très vite j’ai eu envie de m’exprimer sur d’autres supports que le papier. Tout sauf des surfaces planes. Je me suis alors tournée vers le textile qui pose des contraintes soit de nouveaux challenges pour moi qui aime relever les défis. Travailler les pleins, les vides, le volume m’intéresse tout particulièrement. J’ai donc commencé à peindre sur des foulards puis de fil en aiguille sur des plus grandes pièces : des kimonos. En fait je me suis retrouvée dans la mode un peu par hasard.

©Justinthemoodfor
Ses illustrations

Qui se cache derrière « La Factory » que l’on trouve sur ton site* et quel lien y a t-il avec « For The Party People » ?
En fait il y a deux choses : « La Factory » qui est une agence de communication visuelle que j’ai créée qui traite des projets pour l’illustration, le web design, l’identité visuelle, la publicité et « For the Party People » ma marque de kimonos. Il m’arrive d’employer des free lance pour l’un ou l’autre de ces deux projets mais globalement, je suis seule derrière tout ça.

Pourquoi avoir choisi comme pièce phare de ta collection le kimono ?
Alors là c’est une très longue histoire. Il y a plusieurs raisons à cela.

La première est liée à mon histoire personnelle : à une époque où j’avais des problèmes de poids je recherchais toujours le vêtement qui allait à la fois cacher mes complexes et refléter ma personnalité. Ce devait aussi être un vêtement dans lequel je me sente bien, dans lequel je puisse bouger tout en me sentant mise en valeur. Je portais souvent des mailles extra-larges ou des vestes avec des détails particuliers pour attirer le regard là où je le désirais.

La seconde est liée à un constat de mon expérience en tant que vendeuse de vêtements : de nombreuses femmes recherchent des pardessus pour sortir or on ne leur propose que des blazers ou des étoles. Je trouve cela très limité. En fait, j’ai tiré la conclusion qu’il y avait à ce niveau une demande supérieure à l’offre et qu’il y avait sans doute quelque chose d’autre à proposer.

La troisième raison est liée à mes goûts et à ma personnalité : j’ai toujours été fascinée par la mode japonaise et par le kimono. Au Japon, on offre un kimono lors des grandes étapes de la vie comme un rite de passage. Je trouve ce côté sacré, cérémonial très beau. Je ne fais pas référence à l’univers des Geisha mais vraiment à ce que représente le kimono lui-même. Une amie m’a offert un kimono il y a un an alors que je venais de commencer à peindre sur des foulards et là ce fut une évidence, il fallait que je peigne aussi sur des kimonos !

©Justinthemoodfor
Sa palette de peinture sur soie

©justinthemoodfor
Détails de foulards peints à la main

« For The Party People », dois-je en conclure qu’il faut nécessairement être une créature de la nuit pour porter un de tes kimonos ?
En fait je cherche surtout à fuir toute sorte de stéréotypes. Je n’aime pas le côté austère et prétentieux de l’ambiance des soirées depuis la fin des années 80. Tu sais, ce côté bling bling très sélect avec des codes fermés et élitistes. Moi je voulais un univers qui soit joyeux, coloré, mixte, bon enfant et résolument ouvert d’esprit. La liberté c’est le mot clé. En définitive, « For the Party People » ne s’adresse pas uniquement aux gens qui clubbent mais avant tout à ceux qui cherchent à s’abandonner, à se réinventer. Le personnage du drag Queen par exemple est pour moi une source d’inspiration, c’est l’idée que, le temps d’une soirée, tu t’inventes un personnage pour mieux t’évader.

Quelles sont tes inspirations ?
La mode Japonaise, Kenzo, le mélange orient-occident, le fauvisme (Matisse en particulier), Chagall, Moreau, l’art Islamique… j’ai aussi été marquée par le style brut Danois -je suis Danoise d’origine- je m’en inspire dans ma manière de casser les codes.
Comme j’aime les références ethniques occidentalisées je cherche à créer par l’ornement des kimonos qui soient vraiment le reflet de ce pont entre orient et occident.

©justinthemoodfor
Kimono long « L’animal Hybride »

P1040539 Comment définirais-tu ton style ?
Brouillon dans le sens expressionniste, je crée par accidents. Je n’ai pas vraiment d’idées en tête ou alors même si j’en ai une elle m’amène souvent à un résultat que je n’avais pas prévu, c’est d’ailleurs l’échec qui me fait rebondir. Je suis dans un style ornemental, visuellement spontané, avec un trait qui se veut électrique, diffus, à l’arrache.
Pour les références je me situe à mi-chemin entre Hermès (pour le côté tradition, luxe, artisanat), Lacroix (pour le vêtement d’exception) et Kenzo (pour la mixité des inspirations).

As-tu un fil directeur dans tes créations ?
Oui le storytelling. En fait, chacun de mes kimonos raconte une histoire différente car avant même de peindre, j’écris des histoires que je traduis ensuite visuellement. Le livre Pop Culture de Richard Mémeteau a été une source d’inspiration pour l’une d’elle.
Ma première collection de Kimonos intitulée « Party with yourself » correspond ainsi à cinq petites histoires qui traitent des différents états du moi. Il y a « Le jardin d’hiver » (les visages du moi) , « L’animal hybride » (le moi dompté), « Le voyage » (le moi primaire), « Gilgamesh » (le moi sacré) et « Pop Culture » (le moi par le reflet). En voici deux d’entre elles :

 Le jardin d’hiver – Les visages du moi 
Un moment de recueil et de poésie, de superpositions, de cachoteries, de la profondeur sous une apparente légèreté, une fragilité pesante, un envol sous la neige. Douceur et gourmandises sur la route stratifiée du soi. Paradoxes et visages d’une féminité introspective.

L’animal hybride – Le moi dompté 
L’homme et la femme donc. Une nature domptée, des peaux de serpents qui forment des fleurs, un lézard sec mis sous verre comme un papillon, la confusion des genres, l’inversion des genres même. De la taxidermie au bestiaire, l’allure d’une chasseuse fétichiste qui collectionne et se vêt de ses conquêtes chacune traquée et aimée pour ce qu’elle représente. Du pouvoir et des accomplissements, de l’égo travaillé, une beauté violente presque castratrice. Artemis meets Merkel.
 

IMG_6958
« un envol sous la neige »

Comment se déroule la création de tes kimonos, quel est ton procédé de fabrication ?
La première étape est la réalisation de la toile/du patron suite à laquelle j’élabore mon imprimé inspiré de mes histoires. Je peins le prototype original entièrement à la main, ce qui me prend environ trois semaines. Enfin vient l’assemblage avec une couturière.
Si le résultat me satisfait, je scanne tout, je retravaille l’imprimé pour la production et je l’envoie pour l’impression digitale. Cela donnera lieu à des collections capsules de 30 pièces par modèle produite en Europe (probablement en Italie).
Côté matières mes kimonos sont 100% soie crêpe avec ajout de brocarts et velours pour les ornements.

©justinthemoodfor
Détails du kimono « Le sacré »

« Style ornemental, visuellement spontané, trait diffus »

Des textiles peints à la main directement sur des pièces en soie, des collections capsules produites en Europe… de l’artisanat et du local à l’ère du fast fashion c’est un risque ou plutôt un véritable pari. Pourquoi ce choix ?
Par manque de moyens d’abord comme je débute. Par éthique ensuite afin de m’assurer de conditions de travail correctes. C’est aussi un choix politique. Celui de proposer des créations uniques pour des personnes qui veulent se sentir uniques, il fallait donc que ma démarche soit cohérente avec mon propos. Je ne vais en effet pas proposer des vêtements identiques en masse sinon je perds l’identité de ma marque.

P1040542
Détail du kimono « Le jardin d’hiver »

IMG_6957 As-tu déjà envisagé la personnalisation, actuellement très en vogue dans le milieu de la mode, de tes kimonos ? Cela irait dans le sens de ton choix non ?
J’ai déjà fait des collab avec Andy Bradin et French Tobaco. Je choisis des artistes et je réinterprète, moi avec eux, leur univers. Il s’agit vraiment d’un travail main dans la main. Je commence par leur poser des questions pour cerner leur personnalité puis je crée avec mes outils habituels. Quand à la personnalisation, c’est une option que je propose pendant le crowfunding*.

Ta marque semble proche du lifestyle. Il ne s’agit pas que de mode et de kimonos sinon de prôner un certain état d’esprit/art de vivre n’est-ce-pas ?
Oui c’est vraiment ça, pour moi le plus important c’est que la personne s’amuse ! Je suis en effet proche du designer dans le sens où avant de me lancer, j’ai réalisé de nombreux tests d’usage/de situation. Il fallait que la personne puisse réellement avoir une totale liberté de mouvement en portant mes kimonos. Je me suis aussi donné comme challenge de réaliser un modèle qui soit unisexe et taille unique. Un challenge qui me pose de sacrés défis côté production ! Je cherche encore mais je pense qu’il s’agira de l’Italie.

Quels sont tes projets à venir ?
Commencer par obtenir des fonds grâce au crowfunding* ! Je suis au coup d’envoi de ma collection donc je vais déjà voir quels sont les retours face à mes créations. Sinon j’ai bien un autre projet en tête mais il est d’une toute autre matière…

Ça m’intéresse…
J’aimerais créer un women’s group, pour faire court il s’agirait de réfléchir sur le leadership au féminin. C’est un projet sur lequel je travaille avec la même amie qui m’a offert le kimono et qui termine actuellement sa thèse sur le sujet.

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Davina portant une de ses créations

Et si tu étais…
Une couleur :
le vert
Une matière :
le bois
un métal :
l’or
Un vêtement :
un kimono
Une odeur :
la cannelle
une saison :
l’automne
un paysage :
une plage nordique
une fleur :
de cerisier
une ville :
Paris
un pays :
la France
un plat :
du saumon quel que soit sa forme
un goût :
sucré (mais acidulé)
un réalisateur :
Mel Brooks
un écrivain :
Marguerite Yourcenar
une groupe de musique :
Motown
un courant artistique :
le fauvisme
une époque : à venir

Interview terminée, on quitte Byzance le Marais, la tête en effervescence pleine d’histoires mystérieuses, de légendes ancestrales, de teintes à la fois douces et violentes, de motifs orientaux, de rites sacrés, de métamorphoses, d’analyse sentimentales, de débats sur la confusion des genres… Tout est un peu brouillon, à l’image de l’atelier où l’on vient de voyager passer l’après-midi mais le sentiment, lui, reste net. Celui d’avoir rencontré une artiste avec un grand A. Davina, je te souhaite encore beaucoup d’autres belles histoires « par accidents » puisque c’est ainsi qu’elles surgissent du bout de ton pinceau.

Photos de l’article © JITMF